Peintures de Marie Morel : un tour de petite aiguille, une éternité de bonheur

Marie Morel expose à Nantua (Ain), galerie de la Maroquinerie, jusqu’au 1er février 2014. Nouvelles peintures, horloges parlantes, duos de tableaux… L’artiste qui fait bien les choses a réglé les pendules à l’heure de la peinture.

Qui d’autre que Marie Morel peut accueillir les passants par une singulière famille d’horloges ?

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.Geste de bienvenue, résolutions pour l’année à venir, fantaisie dans le quotidien de la rue,

Marie Morel arrête le promeneur. Elle lui parle, et il n’a plus qu’à pousser la porte pour « Prendre le temps de voir une exposition ».

IL N’ Y A PLUS AUCUN PROBLÈME – marie morel 2013 ; LA DÉCLARATION D’IMPÔT D’UN PEINTRE – marie morel 2013

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Les peintures présentées sont récentes. Rien d’étonnant. L’artiste, on le sait, leur consacre beaucoup de temps, comme bousculée par une inspiration ne lui laissant que peu de répit.

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RICHESSE ET PAUVRETÉ – marie morel 2011

Elles sont précieuses. Témoins puissants de tout ce qui fait et défait la vie, elles offrent au visiteur l’occasion de contemplations uniques.

Elles rendent curieux. Et donnent envie à qui les découvre de les mettre en lien avec ce qu’il aime et connaît. Un visiteur attentif, présent le jour du vernissage de l’exposition, m’a relaté avoir abordé le peintre par cette question qu’il se posait :

« Peut-on comparer les petits cadres qui délimitent et composent les scènes qui fourmillent dans vos tableaux aux “cartouches“ de l’Égypte antique ? »

Ce à quoi l’artiste, désarçonnant son interlocuteur, lui a répondu : « On dit comme on veut. »

Le bavardage s’est alors poursuivi, ouvrant la discussion sur le rapport entre l’écriture et la peinture. Marie Morel en effet introduit parfois l’écrit dans sa peinture, en accompagnant par de petites phrases spontanées les scènes présentées. Ainsi, l’œil du spectateur oscille entre la phrase et l’image, ce qui interpelle et porte à réflexion : entre les mots et l’image, qui l’emporte ?

« Je suis peintre avant tout », affirme l’artiste. Un peintre qui jongle entre le signe et le mot, exprimant avec chaleur les douleurs et les réjouissances de la vie, ceci à l’aide d’images frappantes.

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RICHESSE ET PAUVRETÉ

 L’os pour la pauvreté.

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IL N’ Y A PLUS AUCUN PROBLÈME

Des pièces d’or incrustées dans la peinture.

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LA DÉCLARATION D’IMPÔT D’UN PEINTRE

Le diable.

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LA LETTRE D’AMOUR – marie morel – 2010

Des plumes.

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LA DANSE DES SOUS – marie morel -2013

De curieuses gymnastes exécutant une extraordinaire danse des sous.

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LE CHAMP DE COQUELICOTS – marie morel – 2012

Un champ de  coquelicots, peinture hommage à une amie et à la peinture toute entière,

signant une exposition exceptionnelle à inscrire sur son agenda sans faute.

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Peintures de Marie Morel

Galerie de la Maroquinerie, 15, rue de l’hôtel de ville, 01130 Nantua

du 3 janvier au 1er février 2014 uniquement les vendredis et samedis de 15h à 19h

Renseignements : Arts croisés en Haut-Bugey, 06 68 66 68 83

artscroisés.hautbugey@gmail.com

Réjane

Avec Réjane, nous avons consacré plusieurs billets avec ou autour de Marie Morel :

Une interview de Marie Morel en février 2009
Faire des choses avec ses mains… c’est aussi une lutte conte la surconsommation sans coeur et sans don de soi…

et une belle rencontre avec plein d’ami(e)s de Marie Morel : Marie Morel au château des Allymes en juillet 2011…

Enfin…

Le site de Marie Morel vous mènera aussi vers les ouvrages de Marie et notamment sa petite revue d’art REGARD que nous vous recommandons…

Réjane et Franck

Entrée des femmes au Panthéon : demandez le programme !

LectureProgramme

  « Il est temps d’accueillir des femmes au Panthéon », a déclaré François Hollande à l’occasion de la journée de la femme, le 8 mars dernier.

  La phrase est jolie et la perspective d’un hommage à une personnalité femme extrêmement séduisante tant elles sont nombreuses celles qui dans l’histoire ont œuvré pour le bien commun. Aussi nombreuses que peu représentées au temple des grands hommes puisque, on le dit et on le répète, ne figurent que deux femmes au Panthéon et que, on le souligne, elles sont toutes deux femmes d’un époux méritant et à ce titre panthéonisé.

Or, on compte dans notre histoire des femmes très bien dont les époux, sans nous être inconnus, ne font pas particulièrement l’objet de notre intérêt. Des femmes exemplaires, qui laissent une œuvre personnelle forte et qui, et cela n’est plus à prouver, n’ont rien à envier en intelligence et en talent à leurs homologues masculins.

Il est temps en effet d’accueillir des femmes au panthéon, et puisqu’il revient au chef de l’État de choisir les illustres personnalités à qui notre république va rendre hommage et qu’en attendant, il nous faut patienter, patientons. En escortant l’entrée des femmes au Panthéon par exemple, ceci grâce à un programme de lectures au vif des œuvres de nos auteures fétiches dites avec brio par des comédiennes de la comédie française.

LectureMurielMayette

Muriel Mayette a ouvert le bal le mardi 17 septembre 2013 en offrant une lecture savoureuse d’une George Sand comme à l’accoutumée très en verve.

Un autre duo doué a retenti sous les voûtes depuis puisque sept jours plus tard au même endroit et à la même heure, la voix de Colette, portée par Catherine Sauval, a ravi le bienheureux public.

LectureOlympe

Le prochain rendez-vous : Olympe de Gouges avec Céline Samie est le 1er octobre. Il achève cette première moitié du programme qui reprendra au printemps.

LectureMargueriteDuras

 Marguerite Duras avec Claude Mathieu le 13 mai, Simone de Beauvoir avec Cécile Brune le 20 et Marguerite Yourcenar avec Léonie Simaga le 27 réjouiront à leur tour le public de la grande nef. Cette trilogie clôturera en beauté ces lectures de haut vol, accordées à l’air du temps autant que riches de promesses.

Réjane

La belle actualité d’Olympe de Gouges : spectacle, livre, presse, B.D. et Panthéon

À Paris, il y a Montparnasse. À Montparnasse, il y a la rue du Maine et au 15, il y a un endroit très intéressant, un petit, tout petit théâtre, qui fait de bien belles choses.

OlympeGuichetCe lieu, c’est le théâtre Le Guichet Montparnasse.

Un guichet, une salle, des spectacles, des spectateurs, des acteurs et … Annie Vergne, que je vois pour la première fois et dont je bois les paroles :

J’ai reçu de la nature du courage et de la raison, mais aussi une excessive pétulance que l’injustice des méchants a trop souvent excitée et que je n’ai pu vaincre que par la réflexion.

J’avais entendu parler d’Olympe de Gouges. Comme révolutionnaire qui avait mal fini et qui, avant d’être exécutée, avait produit des lettres. Je ne savais que ça, et c’était bien pauvre. Mais suffisant pour, à la simple évocation de son nom, avoir l’esprit en alerte.

Eh puis, j’ai vu Annie Vergne. Elle était à quelques mètres de nous, sur les planches du théâtre qu’elle dirige. C’était au mois de juin, lors de l’avant dernière représentation de la pièce Olympe de Gouges porteuse d’espoir jouée au Guichet Montparnasse en cette belle année 2013.

C’est beau de voir arriver des coulisses Olympe de Gouges/Annie Vergne comme une seule personne et de la regarder être une femme d’aujourd’hui soucieuse des mêmes révoltes.

Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même fondamentales. Si la femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune.

C’est beau, mais ça passe vite, et c’est très riche, trop riche pour qu’une mémoire normalement constituée se souvienne de tout.

J’aurais voulu pouvoir montrer mon coeur aux jurés, ils n’y auraient vu que mon amour pour la cause du peuple et la liberté, mais ils ont prononcé ma mort.

Bravo ! Bravo ! Bravo ! La pièce se termine. Elle nous a appris en une heure qu’une femme du XVIIIe siècle qui n’avait pas reçu d’instruction avait fait des propositions concrètes permettant de rendre la société plus égalitaire, les hommes plus libres. De faire rimer fraternité avec solidarité. Et d’en finir avec la tyrannie.

Autant de bonnes raisons pour se réjouir de voir le spectacle repartir au mois de septembre 2013 pour trois mois,

OlympeLivrese procurer le texte de la pièce écrite à quatre mains par Annie Vergne et Clarissa Palmer

OlympeArticleet croiser les doigts, à l’instar de Myriam Perfetti, qui signe un article dans Marianne, pour que Olympe de Gouges, née Marie Gouze le 7 mai 1748 et morte guillotinée le 3 novembre 1793,

OlympePantheonsoit le prochain grand homme à rejoindre le Panthéon !

Pour découvrir la vie de celle qui considérait le mariage comme le tombeau de la confiance et de l’amour :

OlympeBDsa biographie en bandes dessinées.

Et pour faire entrer au Panthéon la femme qui publia, en septembre 1791, la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, vous pouvez voter pour elle ici.

 

Spectacle Olympe de Gouge porteuse d’Espoir à 15 h les dimanches jusqu’au 22 décembre 2013 au théâtre du guichet Montparnasse.

Livre Olympe de Gouges porteuse d’Espoir, d’après les écrits d’Olympe de Gouges, Annie Vergne, Clarissa Palmer, L’Harmattan 2012

Article Olympe de Gouges une femme contre la terreur, Myriam Perfetti, Marianne no 852 Du 17 au 23 août 2013

Bande dessinée : Olympe de Gouges, Catel et Bocquet, Casterman 2012

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Réjane

Ajout du 15 septembre 2013 :

Et pour compléter ce billet, une petite pause sur l’actualité du Panthéon :

De septembre 2013 au printemps 2014, à l’initiative de Philippe Bélaval, président du Centre des Monuments Nationaux (CNM), les portes du Panthéon vont s’ouvrir aux voix des femmes :

http://femmes.blogs.challenges.fr/archive/2013/09/13/quand-la-voix-des-femmes-resonne-au-pantheon-107569.html

Des comédiennes de la Comédie Française vont en effet y donner des lectures de textes de George Sand le 17 septembre, de Colette le 24 septembre et, le premier octobre, d’Olympe de Gouges :

http://www.comedie-francaise.fr/spectacle-comedie-francaise.php?spid=1141&id=516

Missionné d’autre part par le chef d’état à une réflexion pouvant conduire à de nouveaux hommages, Philippe Bélaval invite les internautes à une consultation qui éclairera les conclusions de son rapport :

http://pantheon-consultation.monuments-nationaux.fr/quizz

La remise du rapport au président de la République est prévue le 30 septembre.

Trois chansons en hommage

Georges Moustaki photo de Wikipédia.

   Georges Moustaki avait beau se faire discret ces dernières années, ses chansons pleines de soleil venaient souvent à ma rencontre.

   Aussi, la nouvelle ce matin du décès de l’artiste me donne-t-elle envie de lui rendre un hommage plus joyeux que triste, en partageant avec vous le bonheur de trois de ses chansons :

   Déclaration

http://www.youtube.com/watch?v=GSZYYC9-Ogw

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    Nadjedja

http://www.youtube.com/watch?v=Gd1D4fCHS_o

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    Les eaux de mars

http://www.youtube.com/watch?v=cx0mdhK1ZYQ

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Belle écoute !

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Réjane et Silence.

Notre super Printemps des poètes avec Christian Poslaniec

Affichecesoir

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Le Printemps des poètes cette année dans notre village a pour nous le bruit d’une grande joyeuse et belle fête,

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Articleannoncée

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annoncée en fanfare dans la presse,

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AnnonceeRondpoint

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affichée en grand sur le panneau du rond point,

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Livrelesvoix

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dégustée dans notre livre fétiche Les voix du poème

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Poemier

photo Louison Niogret

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dont certains poèmes viennent fleurir notre poémier.

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Le printemps des poètes cette année dans notre village

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Poemequisecrit1

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Poemequisecrit3

photos Louison Niogret

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est un poème en train de s’écrire.

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ChuchotisDominique

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Des oreilles gourmandes

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ChuchotisDamien2

photos Louison Niogret

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qui en redemandent.

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VoixChristian

1

C’est la voix de Christian Poslaniec,

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PoemesChristian

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ses poèmes,

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LivresChristian

photos Louison Niogret

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ses livres.

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Lesamis

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Les amis sont là.

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Signatures2

photos Louison Niogret

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Une dédicace ?

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Roland2

photo Louison Niogret

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Quelle surprise Roland Curt, journaliste au Progrès, nous réserve-t-il dans son prochain article ?

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Joelle

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Joëlle est heureuse de participer à la fête.

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Lesfleurs

photo Louison Niogret

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L’affiche, les poèmes décorés, les fleurs

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PoemeParfois

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et la lecture du poème Parfois, au milieu des villes (Poèmes tricotés main pour les enfants chamaille, Christian Poslaniec, Utovie 1982), c’est elle.

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Willy

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Willy est transformé. La forte voix qui déclame entre les rayons de petits pois et les produits surgelés, c’est lui. Le super poète qui cueille les gens sur le parking, leur servant moult craques tout en les emportant jusqu’à la salle, c’est lui aussi.

Mesdames messieurs votre attention s’il vous plait. Nous signalons l’arrivée de :

 

JOSETTE !

 

FRANÇOISE !

 

CHRISTOPHE !

 

VÉRONIQUE !

 

ARTHUR !

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Ils sont venus, et ça fait chaud au cœur.

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PoemeRoidesgueux

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Ils vont entendre La ballade du roi des gueux,

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Damien

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un poème de Jean Richepin (La chanson des gueux ,1876) fait pour Damien.

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Arnaud1

1

Se faire surprendre par Arnaud

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Poemecesttoujours

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et sa Leçon de proverbe (Le chat de mon école marque toujours midi, Christian Poslaniec, Lo Païs 2002).

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Dominique

photo Ercé

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Bernadette, épouse du poète Gabriel Le Gal (1936-2009) écoute Dominique murmurer

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PoemeCJ

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un poème de Charles Juliet (Qui que tu sois, La conquête dans l’obscur, Jean Michel Place, 2003).

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Rejancolereverte

photo Ercé

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À mon tour, je lis : « …Nous ne dormirons plus

 que le ciel sur le ventre

et l’ogre des grands bois

mangera dans nos main ».

  ( Assez des liserons de pierre, Guy Goffette, Nomadie, Saint-Germain-des-prés, 1979).

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Puis,

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Droleries

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il y a un match de Drôleries (Drôleries, Christian Poslaniec, l’Édune 2011)

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Christiandroleries2

photo Ercé

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avec Christian Poslaniec.

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Poemetableau

photo Louison Niogret

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L’écriture d’un poème en grand

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Poemechaudesource

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à lire, à offrir.

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LectureGabriel

photo Ercé

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La lecture d’un poème de Gabriel Le Gal,

 

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PoemeBourgeon

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(Gabriel Le Gal, Ainsi va le Poème, Jacques André éditeur, 2006),

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et le printemps est là !

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Merciatous

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MerciChristian

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MerciBruno

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MerciPrintemps

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MerciFranck

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Et à bientôt !

Réjane


 

Les fous de Scarron : les coulisses de la com…

Les fous de Scarron :

 les coulisses de la com

par Réjane Niogret

 

 

 Promouvoir le feuilleton Les fous de Scarron publié sur le net de décembre 2012 à février 2013, en voilà une activité !

  Une fois leur travail relu, les dernières retouches apportées, les dernières étourderies traquées, les trois auteurs de l’innovation numérique ont levé la tête de leur copie, ils ont relevé les manches, et ils ont troqué leur robe de bure contre une belle livrée d’ambassadeur, couleurs et fil d’or compris.

Première étape : création de documents.

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Carton1

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 Ce texte-ci ?

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Carton2

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ou celui-là ?

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LepavillonScarron bleu

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Cette photo-là ?

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Lesauteurs des fous rouge

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ou celle-ci ?

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Pas mal. Mais au fait, à qui écrivent-ils ?

Réponse : à leurs amis, leur famille. Mais encore ?

Aux médias : la presse, la radio, la télé (ils espèrent bien aiguiser les curiosités). Ils pensent aux blogueurs mordus de littérature, aux dingues de polars. Ils n’oublient pas le journaliste Jean-Luc Porquet, du Canard Enchainé. Ils écrivent en premier à Nadine Ferey, de la médiathèque du Mans. Ils envoient ici. Ils transfèrent là. Ils tweettent, ils facebookent, ils communiquent sur la réalisation qui leur a nourri l’âme trois années durant.

La plus rapide à réagir est Sophie Lepetit, des Grigris de Sophie.

Aussitôt après, Paul Maugendre, des Lectures de l’oncle Paul lui emboîte le pas.

.ArticlelesAlpesmancelles

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Un article signé Mireille Chevalier paraît dans l’hebdomadaire Les Alpes mancelles.

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ArticleOuestfrance

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Un autre dans Ouest France

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ArticleLeprogresrégion

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Le journal Le Progrès annonce le feuilleton à son tour.

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ArticleLeprogresceyzeriat

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Puis, il réitère.

Et, tandis que Christian Poslaniec, invité de l’émission Instants choisis, s’entretient à bâtons rompus avec Valérie Poulain (Radio Alpes mancelles), et que Franck Queyraud stimule ses 2816 contacts sur Facebook, Réjane Niogret brode une surprise pour fêter le dixième épisode du feuilleton. Une surprise pour vous :

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Aucoeurdesfousbleu

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http://lesfousdescarron.wordpress.com/

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Les trois fous vous souhaitent une année 2013 pleine de…

surprises.

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Les dessous des fous : interview croisée sur une innovation numérique par leurs auteurs (Christian Poslaniec, Réjane Niogret, Franck Queyraud)

Franck Queyraud Réjane Niogret Christian Poslaniec

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Réjane : Christian, ton roman Les fous de Scarron, (Le masque 1990), fait son entrée sur la toile en feuilleton numérique, associé à mes réalisations. Tu as choisi pour cette aventure inédite le deuxième opus de ta série policière qui compte quatre romans. Pourquoi celui-ci ?

Christian : Les trois autres aventures de mon personnage Patrice Bergof sont liées à un voyage. Le premier roman se passe en Guyane, le troisième à la Réunion et l’intrigue du quatrième récit se déroule en Scandinavie.

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Les fous de Scarron est différent. Le héros est installé à Paris, et lorsqu’il se déplace, il ne va pas bien loin puisqu’il ne dépasse pas la Sarthe.

Réjane : Physiquement il fait de petits sauts de puces, mais à sa manière, ne voyage-t-il pas aussi, et plutôt loin?

Christian : Sa quête le confronte en effet à des faits historiques exhumés du passé

Réjane : Mais encore …

Christian : Eh bien ces faits, qui paraissent complètement farfelus, sont presque entièrement vrais.

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Franck : Les fous de Scarron est un roman historique ? Il a pourtant été édité au Masque.

Christian : C’est un roman policier, je te rassure.

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Réjane : Alors ?

Christian : Alors j’ai rapporté dans ce roman policier les découvertes que j’ai faites et dont j’ai été le premier surpris.

Réjane : Comme l’existence d’une imprimerie aux Tuileries sous Louis XIV ?

Christian : Oui, par exemple, ou celle d’un mystérieux pavillon consacré à Scarron près de chez moi dans la Sarthe.

Réjane : La fiction et la réalité se mêlent donc dans cet ouvrage. Et toi tu pensais à un accompagnement qui explorerait cette particularité du livre ?

Christian : Je pensais en effet à un travail de mise au point qui aurait distingué le vrai du fictionnel (monuments, documents, lieux, textes, objets), une manière vivante de réfléchir sur la littérature. Mais toi tu as pris une autre direction. Ce qui devait être des accompagnements se sont transformés en surprises. Raconte …

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Réjane : Les surprises pour le lecteur ont été en premier lieu des surprises pour moi. Il y a une raison à ça et elle est toute simple.

Franck : Laquelle ?

Réjane : En me penchant sur le travail d’accompagnement du livre, j’ai trouvé un fil conducteur peu banal, et il m’a autorisé tous les possibles.

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Franck : Tu peux nous en dire plus ?

Réjane : C’est tout simple. Tu es d’accord avec moi, Franck, pour dire que Les fous de Scarron regorge de phrases remarquables. Tu sais ce genre de phrases sur lesquelles on tombe en arrêt, qu’on lit et qu’on relit et que, finalement, on n’a pas envie de quitter comme ça. Avec lesquelles on a envie de dialoguer aussi, avec sa propre voix.

Voilà, c’est ça que j’ai fait. J’ai lu. Je me suis arrêtée, à chaque chapitre, sur une ou plusieurs de ces phrases très littéraires (des phrases qu’on entend résonner en nous) et j’ai poursuivi avec elles le dialogue à ma manière.

Franck : Le rôle du support numérique est de quel ordre ?

Réjane : Un rôle clé, au sens propre du terme, puisqu’on entre dans les surprises par des images.

Franck : Ah bon, parce qu’il y a des images ?

Réjane : Bien sûr. Au minimum une par surprise, mais beaucoup plus si affinité !

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Christian : Justement c’est quoi exactement ces images ?

Réjane : Il y a bien sûr les photos des lieux où je me suis rendue pour les surprises (le cimetière du père Lachaise, le château de Vernie ou celui de Versailles !), mais aussi des photos d’œuvres que j’ai vues, d’objets que j’ai créés, de livres, de peinture, de kiosque à journaux, de vitrine de sex-shop, d’entrée de théâtre… Des photos de tout ce qui est beau, étrange, qui me touche. Et qui, comme mes textes, dialoguent avec la phrase remarquable par laquelle tout commence.

Ne compte pas sur moi pour en dire plus. Les surprises doivent réserver leur mystère au lecteur !

Eh puis, c’est à toi de reprendre la parole, et ça tombe bien car j’ai une question :

Christian, on ne compte plus tes publications papier, mais c’est la première fois que tu vas être édité numériquement. Est-ce une aventure pour toi ?

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Christian : Pour moi, cette publication numérique s’inscrit bien dans mon goût pour des publications différentes. J’ai toujours aimé ça, varier les choses. J’ai écrit du théâtre, et c’est une aventure inédite pour un auteur. J’ai aussi fait un feuilleton pour la radio. J’ai beaucoup d’autres exemples où mes écrits ont exploré d’autres formes que le livre papier. Mais c’est vrai que la présentation numérique est nouvelle pour moi.

Réjane : Es-tu doué en informatique ?

Christian : Je me débrouille pour un usage de base, mais ça ne va pas chercher plus loin !

Réjane : Contrairement à toi Franck, qui explores depuis plusieurs années la forme numérique et pour qui les NTIC n’ont plus de secret. Je sais qu’il y a derrière tes nombreuses innovations (plusieurs blogs personnels, tes blogs professionnels, des actions dans le cadre de ton activité de bibliothécaire) une véritable philosophie attachée au web inscriptible qui transforme notre rapport au savoir. Peux-tu nous dire comment, précisément, notre création commune s’inscrit dans ta quête ?

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Franck : Le numérique passionne le bibliothécaire que je suis et dans le cadre de mon métier, j’en use et en abuse. Alors quand il a été question pour moi de co-réaliser un livre numérique, j’ai foncé. C’était l’occasion pour moi d’explorer de près cette forme spéciale qui offre des possibilités vraiment intéressantes. Nous avons choisi, comme tu l’as expliqué tout à l’heure, de relier les chapitres et les surprises par des liens hypertextes, ce qui permet d’enrichir l’histoire du roman par des cheminements totalement inattendus. C’est aussi l’occasion pour nous de ressusciter le genre feuilleton, et je suis sûr que ça va passionner les lecteurs !

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Réjane : Tu es un grand lecteur et en même temps, spécialiste des publications numériques. Est-ce que ce n’est pas contradictoire ?

Franck : Notre projet dit tout le contraire. Rééditer sous une forme nouvelle Les fous de Scarron, publié en 1990, permet aux lecteurs d’aujourd’hui de découvrir cette œuvre. Non, ce n’est pas contradictoire. En rendant visible des livres déjà parus, le numérique leur redonne jour et c’est vraiment bien.

Réjane : Les épisodes du feuilleton vont paraître chaque mercredi et vendredi. La publication va donc se poursuivre jusqu’en février 2013. Que va t-il se passer après ?

Franck : Nous aimerions le publier sous la forme d’un livre numérique. Les fous de Scarron pourra, de cette façon, se poursuivre après le feuilleton.

Réjane : Le feuilleton qui débute prochainement.

Franck : Oui, par la publication du premier chapitre des Fous de Scarron.

Christian : Avec ses deux surprises !

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1er épisode des Fous de Scarron :

mercredi 5 décembre 2012

 http://lesfousdescarron.wordpress.com/

(adresse valide le 5 décembre)

En route pour le pavillon Scarron !

Le don du jardin

« Le temps du jardin est donc celui de la vie. Il ne nous pousse pas vers l’avant, comme le temps mécanique qui régit désormais nos vies, car un vrai lieu nous enracine toujours dans le temps présent. Maintenant et ici. Pas de buts à atteindre, pas d’objectifs à remplir, car la vie n’a qu’une fin : elle-même. Et la beauté aussi, qui naît constamment du processus de la vie. A l’inverse du système capitaliste, qui a besoin d’une croissance constante pour survivre et qui demande des efforts sans fin aux hommes qui le subissent, le monde naturel croit spontanément et se suffit à lui-même dans un présent éternel, lent et doux. C’est là la leçon du monde végétal. Retrouver cette vie, la vraie, et ce temps de la nature qui est aussi notre vrai temps, celui qui connaît notre corps animal – voilà ce qui nous pousse à ouvrir le portail d’un enclos de verdure et à y entrer, chaque fois, comme si on pénétrait dans un monde à part. C’est cela, le don du jardin. »

Le jardin perdu = The Lost Garden / Jorn de Précy ; essai traduit de l’anglais par Marco Martella. – Actes Sud, 2011. – (Collection un endroit où aller). – p. 66. – Seul écrit disponible de Jorn de Précy, publié en 1912

On ne mesure pas la magie d’une forêt

 » Des secrets nous parviennent de la forêt : la force que la grâce des bois peut apporter à une communauté. Cette force et cette grâce sont impossibles à mesurer, mais on peut les connaître et les éprouver : aussi longtemps qu’on reste partie prenante d’un lieu et ouvert sur le monde, on sent bien si ce lieu – ville, maison, forêt – recèle encore cette grâce ou si celle-ci a disparu, si on y a renoncé.

Je vois dans l’art une conséquence parmi d’autres, un indicateur de la richesse d’un lieu. Ni la richesse ni la force ne se laissent quantifier, mais je me dis que l’art, parfois – tel un loup, un grizzly ou un caribou – est révélateur de la force et de la variété d’un lieu. Je sais que le grand art peut naître d’un grand tumulte qui nous incite, au plus profond de nous-même, à ordonner le chaos, à inventer des histoires ordonnées à partir d’éléments de désordre. Et je crois, aussi bien, que le grand art peut naître d’une grande paix, d’un sentiment de stabilité et de sécurité, que des émotions puissantes génèrent un art puissant.

L’art est une réaction à un lieu et à un instant – ce qu’on peut appeler un excès d’émotions et, dans les cas les plus flagrants, une diversité d’émotions. L’art n’est pas une limitation ou un engourdissement des sens – il n’est pas une homogénéisation du monde.

Un lieu est bien portant tant qu’il conserve des espaces naturels.

L’esprit et la communauté humaine de Lincoln County me semblent encore pleins de vigueur, et cette vigueur est due aux espaces sauvages, aux sanctuaires des collines et des monts qui surplombent les villes de Libby, Troy, Eureka et Yaak.

L’art dévale chaque nuit les pentes des montagnes jusqu’à nous. L’art dérive au fil des eaux, des rivières et des ruisseaux.

Comme les ours, dont on dit qu’ils savent habiter deux mondes – le nôtre et celui de l’esprit – parce qu’ils s’enfoncent chaque année sous le sol, parfois six mois de suite, je crois que l’art, s’il ne peut être mesuré, repose quelque part entre le monde de la science, des faits et des mathématiques, et le monde de l’esprit. Je crois qu’il représente une transition, comme lorsqu’un ours s’éveille en avril ou se met à hiberner en octobre ou en novembre.

On mesure le diamètre d’un arbre. On ne mesure pas la magie d’une forêt, ni l’effet produit sur l’esprit par une forêt saine et vigoureuse, qui croît de toutes ses forces naturelles.

Où l’art existe, l’esprit d’un lieu existe. « 

( Le livre de Yaak : chronique du Montana / Rick Bass. – Gallmeister, 2007. – (Collection nature writing) )

Silence….

Vous conseille de lire Rick Bass. Et la merveilleuse collection nature writing de Gallmeister : des trésors à foison…

 

Marie Morel au Château des Allymes

Dimanche 3 juillet, les membres de l’association des Amis du Château des Allymes fêtaient une peintre, Marie Morel, en les murs de l’ouvrage médiéval emblématique des hauteurs du Haut Bugey (Ain). Curieux, amis, proches, élus ont gravi le chemin qui aboutit au château, monument classé dominant la plaine de l’Ain.

 

Accrochés aux murs, les tableaux choisis pour l’exposition Marie Morel au Château des Allymes , visible du 2 juillet au 18 septembre 2011 au château.

 

Présentée dans une vitrine, la collection de courriers que l’ami écrivain Charles Juliet a, depuis plusieurs années, la joie de recevoir dans sa boîte à lettres.

 

Sous vitrine encore, un poisson/tableau questionne le visiteur.

 

Dans la salle de la tour ronde, la danse des pages de la revue Regard qu’édite Marie Morel :

Tous les amis sont importants, tous fêtent la beauté du jour où la reine est une peintre et le château un jardin. De la tour ronde à la tour carrée, dans les courtines, dans les escaliers en colimaçon, se croisent les visages ravis de celles et ceux venus jusqu’à ce petit bout du monde attraper un petit peu de Marie.

Puis, vient le moment d’interrompre la contemplation des tableaux, de rejoindre la cour haute du château et de guetter la levée de rideau de l’hommage musical et littéraire dont Marie fait l’objet.

 

Jean-Philippe Guervain, violoncelliste, ouvre le bal. Il a choisi Jean-Sébastien Bach. Des pièces assorties aux tableaux de Marie qu’il joue entre les lectures, par leurs auteurs, des lettres adressées à l’artiste.

La première lecture, qui est aussi la préface du catalogue de l’exposition, revient à Gaëlle Arpin-Gonnet, des Amis du château et hôtesse de l’évènement. Son texte, témoignant de l’apprivoisement du lieu par l’artiste, va nous permettre d’imaginer un autre pan de son travail .

 


Jean-François Dupont apportera une description de l’incroyable atelier de l’artiste. Paul Greffet mettra en voix ses pérégrinations intimes dans le labyrinthe de l’œuvre. Un modèle pour Christian Lux, d’une grande puissance créatrice pour Charles Juliet, Marie recevra tour à tour les compliments de ses amis.

Mais c’est sa maman, Odette Ducarre, avec qui je m’entretiendrai à l’issue des prestations, qui osera un mot très fort que, bien qu’il m’impressionne, je tiens à mentionner :

Voyant son enfant créer, l’accompagnant, l’encourageant, lui  » laissant tous les murs de sa maison  » et lui fournissant le matériel lui permettant ses explorations, Odette Ducarre me confie avoir compris tôt que sa fille était de la trempe des génies.

 

L’après-midi avance et dans la cour du château, l’ombre habille doucement la pierre.

 


On navigue encore, par couples ou en solitaires, dans les salles, escaliers et couloirs de l’édifice, des fenêtres duquel se dégagent des vues superbes. Marie, que je croise à plusieurs reprises, n’est pas encore disponible.

Elle dédicace des ouvrages ? Nous patienterons un peu. Un groupe de proches l’entoure ? Notre temps viendra.

 

Enfin, le moment tant attendu que j’espère arrive. Marie, qui s’est dépensée sans compter aujourd’hui et que les organisateurs et amis commencent à attendre à la crêperie du hameau pour diner car à force, il est vraiment tard, m’accorde un entretien.

L’interview débute au pied du donjon, tandis que tout le monde a déjà entrepris la  redescente au hameau de Breydevent.

Marie doit déplacer son véhicule au milieu de son propos ? C’est sans importance, le fil n’est pas perdu. Il faut à présent partir ? Soit. Me voici avec sa maman, dans le véhicule de Marie qui est au volant.

Le chemin présente des irrégularités et il y a un tout petit peu des ravins à droite… Mais le travail de Marie consiste aussi en la conduite de petits camions où pouvoir placer des tableaux parfois très grands, et elle s’en sort vraiment bien, car nous arrivons à bon port.

Mère et fille, complices, ont durant le trajet devisé gaiement, Marie, toute à la pensée du musicien qui a offert le relief musical à cette belle journée et avec qui, depuis quelques mois, elle étudie le violoncelle au conservatoire d’Oyonnax.

Avant de nous séparer, non sans nous être données rendez-vous au Petit Abergement, le village de Marie, mon petit dictaphone reprend du service, terminant de recueillir la parole attentive de l’artiste qui me fait face.

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Marie Morel : 

une peintre qui aime les écrivains

et que la musique rend heureuse

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Une fête chaleureuse vient d’avoir lieu au cours de laquelle de nombreuses personnes ont exprimé leur intérêt, sympathie, attachement à Marie.

Odette Ducarre, sa maman, vient de me le confirmer : Marie a commencé à peindre jeune. Alors, Marie va-t-elle pouvoir nous dire si l’attachement des gens pour son travail fut aussi précoce que sa propension à créer ?

François Solesmes était un ami des parents de Marie. Écrivain, il a  envoyé, tout au long de son enfance, des lettres superbes à la petite fille qui créait. Marie ne l’a pas oublié et pour cause : la personne qu’elle rappelle à son souvenir fut l’adulte le plus important s’intéressant, dans sa vie d’enfant, à son travail.

Adolescente, elle a beaucoup échangé avec le peintre Jean Dubuffet. Son secret ? Marie, c’est comme ça, va vers les gens qu’elle aime. Proche des mots, et, selon moi, écrivain à sa manière, la peintre, dont le père, Robert Morel fut un célèbre éditeur, compte des amis écrivains précieux, comme Claude-Louis Combet, qu’elle aime énormément.

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Le vernissage d’une exposition : un avant et un après

Mais revenons à la fête, au vernissage de l’exposition Marie Morel au Château des Allymes de ce 3 juillet 2011, et faisons un zoom sur la prestation qui vient de se dérouler dans la cour haute du château : des pièces de Jean-Sébastien Bach, jouées par le musicien Jean-Phillipe Guervain, les lectures des lettres adressées à Marie et, les précédant, le témoignage/préface de Gaëlle Arpin-Gonnet.

Une rencontre humaine

Ce texte, qui nous donne à entendre l’histoire de l’exposition, l’arrivée de Marie au château, les soins portés à l’installation, la magie de la rencontre, me plaît beaucoup. Il me suggère l’idée de demander à Marie de nous toucher deux mots sur cet aspect de son travail.

Le volet technique, avec ses contraintes propres, est prépondérant, mais Marie le souligne : l’installation d’une exposition est aussi une rencontre humaine avec les gens qui organisent, ce qu’elle trouve très riche, d’autant que les gens l’accueillent toujours très très bien.

Retrouver l’atelier

Trouver les pitons qu’il faut pour accrocher, voir quelles sont les lumières : le travail qui précède le vernissage d’une exposition est terminé au moment de la réception, aussi, tandis que ses amis la fêtent et que ses œuvres se préparent à engager durant tout l’été des dialogues avec les visiteurs qui monteront au château, Marie le sait : demain, l’autre vie, celle de l’atelier et du travail solitaire va reprendre.

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Les très grands formats 

Marie travaille en effet beaucoup, et l’atelier, de toute évidence, est vraiment son lieu central de vie. « Si on veut arriver à quelque chose, il faut être un peu ferme sur le temps passé à travailler« .

Un travail dont l’exposition Peintures récentes (Espace des femmes janvier-mars 2011) , qui présentait de nombreux tableaux (certains, comme Dans l’utérus, peints en 2011), rendait largement compte.

 » Oui, mais ce n’était pas des très grands formats «  me précise Marie, évoquant ici ces fameux tableaux aux dimensions gigantesques qu’elle adore peindre et qui ne peuvent être exposés que dans certains lieux ( comme à la Halle Saint-Pierre à Paris qui a consacré à l’artiste entre 2009 et 2010 une importante exposition monographique comprenant une quarantaine d’œuvres dont trente grands formats). 

Au château des Allymes, le visiteur ne verra pas de grands formats (de telles œuvres ne passent pas par la porte), mais c’est sans regret pour Marie, l’espace des salles se prêtant idéalement aux formats qui se sont invités au château.

Mais que ceux qui comme moi, traquent ces œuvres exceptionnelles de Marie ne désespèrent pas ! Le musée Paul-Dini, de Villefranche-sur Saône, (Rhône)  dans le cadre de l’exposition « Amours. Un été contemporain » (jusqu’au 18 septembre 2011) présente quelques très grands formats de Marie.

Les visiteurs pourront aussi, l’automne venu, se rendre au musée de Sens (Yonne), où, à partir du 15 novembre 2011, les grands formats seront visibles. Ces tableaux, dont la taille, pour la plupart, avoisine 2 m x 3 m, peuvent atteindre 6 m de long (Louise Michel, 2005).

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Jean-Sébastien Bach

 Marie adresse un petit signe à un ami :  » Au revoir, merci « ,  » Ce groupe est avec nous ? « ,  » Tu vas bien ma petite maman ? « .

La peintre est heureuse, c’est visible, perceptible. Et, bien que les arbres de cette nature touffue soient maintenant tous dans l’ombre, elle ne précipite pas l’entretien. Alors, on continue un peu. Le temps pour moi de réaliser à quel point la musique compte pour Marie, à quel point elle en a besoin pour être heureuse, à quel point l’interprète de Jean-Sébastien Bach a joué un grand rôle dans le déroulement de la journée. Et c’est bien vrai qu’il est superbe à contempler, le musicien qui nous convainc en do et en ré mineur qu’un tableau de Marie égale une pièce de Bach…  

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Réjane.

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En savoir plus :

Marie Morel au château des Allymes : télécharger le catalogue.

Retrouvez sur ce blog Marie Morel : 

Marie Morel, des tableaux qui parlent – 21 avril 2008

« Faire des choses avec ses mains… C’est aussi un peu une lutte contre la surconsommation sans coeur et sans don de soi » : rencontre avec Marie Morel, peintre – 9 février 2009

La poésie est un art de l’hospitalité qui, à sa manière, doit faire oublier la violence du monde et la brutalité des états : entretien avec Bruno Doucey


              Bruno Doucey, éditeur, écrivain, poète, m’a accueillie à la Fontaine O Livres, rue de la Fontaine- au-Roi,

dans le onzième arrondissement de Paris.

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Je voulais comprendre ce qui faisait courir cet acharné des mots avec qui Christian Poslaniec réalise des anthologies de poésie qui sont franchement superbes.

Je voulais savoir ce qui pouvait motiver un homme à se consacrer aux textes comme ça : en écrire, en lire, en éditer, en rassembler.

Éditeur indépendant depuis plus d’un an et déjà riche de onze trésors, celui qu’une fée semble avoir condamné à servir les livres coûte que coûte est le fier capitaine d’un bateau qui affronte les lames de front.

Entretien avec Bruno Doucey, en la présence de Christian Poslaniec, dans l’entourage de très beaux livres.

Réjane : Dans le blog Rick Bass, nous avons à cœur de présenter le travail de créateurs dont nous trouvons l’activité remarquable. Les toutes jeunes éditions Bruno Doucey, que vous avez créées en mars 2010, après avoir dirigé six ans les éditions Seghers, nous plaisent beaucoup, ce pour trois raisons : elles nous permettent de découvrir des textes impressionnants, elles s’attachent à la réalisations de livres beaux à l’œil, elles sont indépendantes.

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A ces trois raisons, il faut en ajouter une quatrième : les éditions Bruno Doucey ont permis à un auteur, Christian Poslaniec, dont nous suivons et apprécions le travail, d’être co-auteur avec vous d’un très beau livre, publié récemment : Outremer, trois océans en poésieAussi, pour clore mon introduction et avant de vous laisser la parole, un mot me vient-il. Merci. De même qu’une question s’impose à moi :

Votre travail aux éditions Pierre Seghers, qui a été remarquable (vous avez en effet réussi à publier ou rééditer plus de cent ouvrages de 2003 à 2009), de toute évidence se poursuit avec cette maison d’édition : Outremer est le dixième ouvrage des éditions Bruno Doucey, tandis qu’un onzième livre : Par la fontaine de ma bouche, de Maram al-Ashri, vient de paraître.

Comment avez-vous fait pour passer d’une grande maison d’édition (Robert Laffont), rattachée à un groupe (Editis), à une maison indépendante, qui, à un an, tient debout sur ses deux jambes ?

Bruno Doucey : On a fait pour moi puisqu’on m’a gentiment fait prendre la porte. C’est la première chose que je dois dire. Lorsque j’ai pris la direction des éditions Seghers en 2002/2003, on me disait :

On ne vous demande pas de nous faire gagner de l’ argent, on sait que c’est impossible, mais vous n’avez pas le droit d’en faire perdre. Et si vous avez une gestion équilibrée d’année en année, vous pourrez reconduire votre activité éditoriale avec une relative indépendance.

Pendant toute cette période où j’ai dirigé les éditions Seghers, le groupe Éditis est passé de mains en mains. Il a été vendu par Jean-Marie Messier à Lagardère. Lagardère l’a vendu au baron Seillière (accessoirement marchand de canons). Et puis le baron Seillière, du groupe Wendel, a revendu tout le groupe Éditis, qui a été mis en vente sur le marché européen. On a failli être racheté par le groupe de Berlusconi et finalement, on a été racheté par le groupe catalan Planèta.

La donne a donc considérablement changé au fil des années. On a fini par me dire :

Il n’est plus question d’être à zéro en fin d’année. Il faut dégager dix points, douze points quinze points, dix-huit points comme vos camarades. Si vous n’y arrivez pas, vous disparaitrez. Vous avez le choix entre vous démettre de vos fonctions (vous renoncez à votre salaire et éventuellement continuez bénévolement à diriger Seghers), ou vous soumettre à un licenciement économique (et nous fermerons cette marque).

Pendant trois ans, j’ai été en résistance, proposant toutes sortes de solutions, jusqu’à  celle de racheter et de reconstituer avec la famille Seghers une petite société qui reprendrait le flambeau de cette maison magnifique.

On a balayé une à une toutes mes propositions et au bout du compte, ça s’est terminé par un licenciement économique et une mise en sommeil des éditions Seghers.

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Voilà comment les choses se sont déroulées.

Devant cette situation, au cours de l’automne 2009 (mon licenciement date de novembre 2009), j’ai décidé de créer une maison d’édition totalement indépendante, c’est à dire libre de ses choix et de sa politique éditoriale, qui me permettrait de poursuivre mes engagements en direction de la poésie contemporaine. C’est une petite société, avec une salariée, autour de laquelle est née spontanément une association des amis des Éditions, la Presque île, qui rassemble maintenant cent cinquante membres.

La filiation avec Pierre Seghers est forte.

Elle s’exprime parce que les valeurs littéraires de Pierre Seghers : défendre une poésie  lyrique et militante, me vont comme un gant. Les éditions Pierre Seghers sont nées pendant la seconde guerre mondiale d’un combat contre l’occupant, contre le nazisme et la collaboration. Je considère que toutes les grandes poésies du monde sont  marquées par le double sceau d’une forme d’engagement et de lyrisme, et je me sens de ce point de vue là l’héritier d’Éluard, d’Aragon, de Neruda, de Lorca.

Le deuxième axe de cette filiation est que cette petite maison que nous avons créée se veut une maison d’accueil des poésies du monde. D’emblée, nous l’avons tournée vers l’accueil des poètes étrangers, issus en particulier de pays non-francophones et qui font le choix, pour des raisons politiques ou personnelles, de la langue française. Ils viennent d’Irak, des États-Unis, du Canada, de Haïti, de tous les territoires d’Outremer, de Syrie, (de Suisse et du Danemark pour les parutions prochaines).

La poésie est un art de l’hospitalité qui, à sa manière, doit faire oublier la violence du monde et la brutalité des états.

La manière, par exemple, dont les poètes des territoires d’Outremer, qui sont des territoires issus pour la plupart de la violence, des rapports de domination, des rapports de l’esclavage, de la traite des Noirs, illustrent et défendent la langue française est une magnifique preuve de réconciliation, une façon de faire quelque chose de cette tectonique des peuples et de ces lignes de faille qui scindent l’humanité.

Les poètes ont des choses à dire sur le monde d’aujourd’hui. Prenons un seul exemple très simple : voilà plus d’une génération que les poètes en appellent au réveil des peuples arabes. Ce réveil, cet embrasement, ce printemps des peuples arabes est une surprise pour tout le monde sauf pour les poètes et ceux qui lisent la poésie arabe.

Réjane : Les poètes sont des visionnaires ?

Bruno Doucey : Je crois que la poésie est une force ou une énergie qui nous traverse, que nous sommes, ou ne sommes pas, en état de poésie, en état de recevoir le poème ou de le donner. L’émotion peut être autant dans la réception que dans l’émission, la production du texte poétique. On ne possède rien. De la poésie, nous ne sommes que l’usufruitier temporaire.

Réjane : Offrir la parole est essentiel à vos yeux ?

Bruno Doucey : La pire chose qui puisse arriver à un être humain est d’être privé de paroles. Tant que nous sommes sur cette terre doués de paroles, nous avons la possibilité de nous faire entendre, et surtout d’écouter, d’être en relation avec les autres.

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Les poètes sont souvent les premières victimes des dictatures.

Pour les poètes, la seconde guerre mondiale n’a pas commencé en 1939. Ils étaient déjà en guerre trois ans plus tôt en ayant perdu l’un des leurs, Federico Garcia Lorca, sauvagement assassiné par les franquistes.

C’est le moment où va naître dans le monde entier une espèce de solidarité des poètes. D’Antonio Machado à René Char, de Paul Eluard à Ilia Ehrenbourg en Russie, d’Aragon à Pablo Neruda… je pourrais continuer la liste de ceux qui se sont à ce moment-là unis pour dire non au fascisme.

Pour moi, c’est un moment fondateur du XXème siècle, un moment clé, un moment de bascule qui est très important, que je considère comme la naissance du monde contemporain.

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Réjane : Votre maison a publié deux anthologies de poésie qui accueillent des poèmes rares que seuls, de véritables  explorateurs de textes peuvent réunir et rassembler. Avec Christian Poslaniec, qui a réalisé avec vous Outremer, vous n’en êtes pas à un coup d’essai….

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Bruno Doucey : Nous avons réalisé avec Christian plusieurs anthologies aux éditions Pierre Seghers : Duos D’amour, Je est un autre, En rires.

J’étais tantôt co-auteur, tantôt seulement éditeur. Nous sommes avec Christian depuis des années dans ce dialogue autour de la poésie, avec ce même désir d’une part de faire découvrir ou redécouvrir des grands textes littéraires, et d’autre part de faire en sorte que la poésie soit offerte au plus grand nombre.

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Réjane : Les ouvrages qui en résultent présentent les textes poétiques sous une forme ludique donnant vraiment envie d’entrer dans le jeu du langage.

Je tiens à citer en particulier l’ouvrage Duos d’amour, qui avec beaucoup d’audace, de l’humour, mais aussi un véritable ressenti des textes, parvient à mettre en duo poétique  non seulement des textes dont les auteurs étaient amoureux dans la vie, comme Hélène et René Guy Cadou, mais aussi des textes d’hommes et de femmes poètes qui ne se sont jamais rencontrés comme, par exemple, Paul Verlaine et Jocelyne Curtil.

En rires est également une anthologie qui présente les poèmes sous une forme inventive puisque les textes sont associés à des couleurs.

Bruno Doucey : À chaque fois, on a cherché à trouver une forme singulière, originale, qui permette ce pas de côté. La poésie permet un changement permanent  du point de vue. C’est ce que nous avons fait  avec Outremer qui accueille le lecteur par une carte avec la France non pas au cœur du monde mais un peu sur le côté.

Réjane : Dans l’anthologie Outremer comme dans certains de vos ouvrages, apparaît un lien entre la poésie et les sciences. L’histoire, la géographie vont côte à côte avec la poésie.

Bruno Doucey : Je pense que ça relève de cette même idée que la poésie ne doit pas rester cantonnée. On n’écrit pas de la poésie simplement pour le lectorat de poésie. Je ne veux pas dire qu’il ne m’intéresse pas. Mais ce n’est pas pour mes amis poètes que j’écris. C’est pour tous les autres. Quand je fais circuler un manuscrit par exemple et qu’un ami plombier, une amie expert comptable, un copain chef décorateur me disent : Ah, ça c’est formidable ! ça a deux fois plus de valeur que si c’est un ami écrivain ou éditeur qui me le dit. Je l’écoute deux fois plus parce que je me dis ce livre va pouvoir rejoindre un large public.

Je refuse que la poésie soit réservée à une élite. Les enseignants, même malgré eux, jouent souvent un rôle dans tout cela en devenant peu à peu, sous l’impulsion du législateur, des techniciens de l’écriture poétique. Il m’est même arrivé de dire des médecins légistes de l’écriture poétique. Très habiles pour décomposer le texte, en faire l’analyse, le décortiquer, bref, en faire l’anatomie, et puis en même temps parfois incapables d’en faire sentir la vibration. Je me suis rendu compte de ça lorsque j’étais moi-même enseignant, quand j’ai réalisé que je cessais de faire étudier les poètes que j’aimais. Je ne voulais plus toucher à ce que j’aimais parce que j’avais l’impression de l’endommager.

S’agissant de la poésie je crois qu’il faut la déscolariser. Il faut la remettre dans la vie.


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Réjane : Vous devez apprécier les actions de Jean-Pierre Siméon et de tous les acteurs du Printemps des poètes ?

Bruno Doucey : Bien sûr. J’apprécie. Je soutiens. Je salue ce retour de la poésie dans la vie quotidienne des gens. Cette année, Le Printemps des poètes a été beaucoup plus fort. Le vent de la poésie souffle sur la voile de l’indignation, du désir de rencontre, parfois  de la colère, et cette année, c’était vraiment perceptible.

Réjane : Pas seulement dans les grandes villes ?

Bruno Doucey : Non. À Foncine-Le-Haut, village de  huit cents habitants, j’ai participé à une soirée lecture avec quatre-vingts personnes. Voilà. C’est formidable !

Réjane : Je vous propose en seconde partie que nous nous intéressions, à travers deux de vos réalisations, un récit, et un poème, à Bruno Doucey l’écrivain, qui, du reste, n’est jamais bien loin derrière l’éditeur, tout lecteur ouvrant un livre Seghers ou un ouvrage  Doucey pouvant apprécier l’écrivain. Les livres que vous publiez, que vous défendez, que vous portez, dont les textes ne sont pas de vous donc, s’ouvrent en effet sur des textes de votre plume, des préfaces, qui sont à elles seules de petits chefs d’œuvre, et qui, à elles seules, pourraient faire l’objet d’un ouvrage.

Votre activité d’écrivain se révèle aussi, bien entendu, dans vos livres. Ceux-ci sont nombreux, variés. Ils s’adressent tantôt à un lectorat d’adultes, tantôt à un lectorat d’adolescents. Ils sont des récits, des essais, des poèmes, et on les trouve édités dans plusieurs maisons. Si vos propres productions ne sont pas, ou peu, éditées par vous-même, il est frappant de voir combien vos productions personnelles sont en résonance avec les publications de vos maisons.

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Tandis que la maison Doucey publie dans son premier livre le poème Conviction, du poète irakien Salah Al Hamdani (voir aussi son blog), que la dictature de Saddam Husein a contraint à l’exil ( Le balayeur du désert, éditions Bruno Doucey, 2010)…

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… l’écrivain Bruno Doucey publie en 2008 aux éditions Actes Sud Junior un récit (Victor Jara-non à la dictature) honorant la mémoire du chanteur et guitariste chilien, Victor Jara, qui a été une des premières victimes de la dictature chilienne.

Vous aviez douze ans à la mort du chanteur, treize ans quand une chanson a relaté les circonstances de cette mort. Voyez-vous à quelle chanson je fais allusion ? A-t-elle joué un rôle dans votre choix d’écrire ce livre ?

Bruno Doucey : La chanson Lettre à Kissinger de Julos Beaucarne. Je la connais par coeur :

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 Je veux te raconter, Kissinger,

L’histoire d’un de mes amis

Son nom ne te dira rien

Il était chanteur au Chili….

 

J’ai même été en relation avec Julos Beaucarne il y a quelques années parce que je l’ai reconduite dans plusieurs anthologies.

 

Réjane : La chanson apparaît en 1974 sur l’album Chandeleur septante cinq. Votre livre en revanche est récent ?

Bruno Doucey : Il est récent oui,  il a deux ans et demi. C’est un des premiers livres de la collection Ceux qui ont dit non. Je suis très attaché à ce livre et j’ai beaucoup de chance parce qu’il a été traduit dans plusieurs langues : en portugais, en catalan, en coréen. Ce livre qui circule beaucoup m’a procuré et me procure encore énormément d’émotion.

La question que je me suis posée (ce que j’ai raconté c’est la mort de Victor Jara  dans le stade de Santiago) : Mais comment peut-on raconter l’horreur (c’est l’horreur absolue), l’enfermement dans le stade, la mise à mort des prisonniers politiques, en rendant le texte possible, supportable et beau, même pour un adolescent ?

Et la seule réponse que j’ai à cette question c’est la poésie. Sa poésie, ses chansons, son théâtre, mais aussi la poésie de Pablo Neruda sont présents dans le livre et apportent, j’espère, une respiration qui rend cet enfermement supportable.

 

Réjane : Victor Jara venait du peuple ?

Bruno Doucey : Tout à fait. Il était fils de campesinos, de petits paysans qui n’avaient rien, qui ne possédaient même pas la terre qu’ils exploitaient, et son père ne savait ni lire ni écrire.

Sa mère était d’origine mapuche, indienne du sud, et elle a transmis à son fils le patrimoine musical des indiens, l’art de jouer de la guitare, de chanter. Ses parents sont morts alors qu’il était encore fort jeune et très vite, il est devenu la grande voix de la chanson chilienne. On le sait moins mais il était aussi directeur de théâtre, metteur en scène, acteur.

À un moment donné, il fait un choix radical pour la chanson, de manière à pouvoir mettre sa voix et son talent directement au service du pays.

Son engagement aux côtés de Salvadore Allende fait de lui la cible des putschistes du coup d’état du 11 septembre 1973 et une des premières victimes de la dictature d’Augusto Pinochet au Chili.

C’est un destin qui rappelle étrangement celui de Lorca, si ce n’est que Victor Jara était beaucoup plus engagé sur le plan politique que Lorca…

 

Réjane : …le poète Federico Garcia Lorca, à qui vous rendez hommage en 2010 et 2011  à travers plusieurs ouvrages. Vous relatez sa vie dans le récit : Federico Garcia Lorca-non au franquisme, de la collection Ceux qui ont dit non, chez Actes Sud Junior (2010) et vous lui composez un poème : Oratorio pour Federico Garcia Lorca, qui fait l’objet de deux publications :

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Oratorio pour Federico Garcia Lorca,  le cinquième ouvrage des éditions Bruno Doucey, est glissé dans le coffret des quatre premières publications de l’éditeur…

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et il est signé à deux dans un livre d’art (Éditions La Margeride) comprenant une œuvre originale de l’artiste Robert Lobet.

Votre texte me semble se référer à des moments historiques très précis de la vie de Federico Garcia Lorca…

Bruno Doucey : Précis et imprécis à la fois. Lorsqu’il est dans sa cellule, je n’ai fait qu’imaginer la manière dont il convoque les personnages de son théâtre : Irma, cette petite silhouette qui arrive comme ça, qui se glisse par la chatière d’une autre solitude, Marianna, qui est  son premier personnage au théâtre.

Il y a un personnage dont je n’ai pas parlé c’est Bernarda.

Les autres personnages féminins : Zita, Yerma, je les trouve formidables. Mais cette femme veuve (personnage de la pièce La maison de Bernarda  Alba que Lorca a écrite juste avant sa mort) qui punit ses propres filles, qui les prive de liberté, d’amour, qui  les condamne à la détention, à la claustration, m’inspire de l’horreur.

C’est la seule pièce de Lorca que j’ai occultée parce qu’elle me gênait. Et il m’arrive quelque chose de très drôle : le chorégraphe suédois Mats Ek monte un ballet à l’opéra Garnier (La maison de Bernarda, avril 2011) d’après cette œuvre, et on vient de me demander de faire un texte de présentation pour le catalogue de l’opéra. Le spectacle est somptueux. J’ai vu un DVD des répétitions, c’est magnifique. Mais je n’ai pas encore commencé à écrire ce texte, que je dois rendre lundi…

Réjane : Il va nous être bien difficile de vous quitter Bruno Doucey. Nous pourrions en effet vous demander de nous parler du désert  ̶  Le livre des Déserts, que vous avez publié en 2006  (Éditions Robert Laffont) et qui présente des itinéraires scientifiques, nous intrigue en effet beaucoup, et L’aventurier du désert, l’itinéraire de Jules Jacques, de publication récente (Élytis 2010), tout autant. Vous pourriez nous relater votre intérêt pour Théodore Monod, qui fait l’objet d’un livre que vous avez écrit en 2010 : Théodore Monod, un savant sous les étoiles ( Éditions Á Dos D’Âne). Vous pourriez, j’en suis certaine, nous captiver, en évoquant avec nous les nouvelles de La cité de sables (Éditions Rhubarbe 2007). Et puis, vous pourriez nous parler de vos poèmes : Poèmes au secret (Le nouvel Athanor, 2006), La neuvaine d’amour (L’Amandier, 2010)… Mais il serait indécent d’abuser plus de votre temps, et vous nous avez, du reste, beaucoup gâtés.

Pour clore, donc, cette interview d’une grande richesse, ouvrant sur des perspectives de lectures multiples plus captivantes les unes que les autres, vous proposé-je que nous nous quittions chaleureusement, à l’aune d’un texte que j’ai choisi pour les lecteurs et  dont vous pourriez nous offrir la lecture,  un poème : Haïti, 2010, que vous avez écrit en hommage à Georges Anglade et à son épouse, morts à Port-au-Prince le 12 Janvier 2010…

Bruno Doucey : Le tremblement de terre a eu lieu le 12 janvier et j’ai écrit le poème le 13 janvier.. Je partais en Haïti, où se préparait la seconde édition à Port-au-Prince du festival Étonnants voyageurs. J’ai beaucoup d’amis en Haïti. Mon gendre est haïtien. Ma petite fille est haïtienne. Et j’étais bouleversé. Donc j’ai écrit ce texte. Je n’imaginais pas du tout qu’il allait circuler ainsi.

Réjane : C’est un texte que vous laissez libre de droit ?

Bruno Doucey : Oui, je le laisse complétement libre. Il a été repris dans plusieurs publications.

Réjane : Sous la forme numérique ?

Bruno Doucey : Oui. Et il a été publié dans plusieurs anthologies aux Antilles.

Parfois je me dis, vous savez,  la poésie, ça devrait toujours être comme ça.

Je ressens profondément le fait que les textes ne nous appartiennent pas. Je ressens ça aussi de plus en plus pour le monde dans lequel on vit. Le sentiment de possession ne m’est pas étranger mais de plus en plus, je trouve que ceux qui ont raison ce sont les indiens, les indiens d’Amérique, qui considèrent que la terre ne nous appartient pas. Qu’elle est juste prêtée comme ça de générations en générations aux hommes. Nous ne sommes que de passage.

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C’est pourquoi j’aime beaucoup le poème de Max Jeanne que nous avons choisi dans l’anthologie Outremer qui montre l’absurdité de ce désir de possession tricentenaire.

Et puis nous construisons. Nous avons construit, nous construisons, des maisons des châteaux qui sont faits pour défier le temps.

Alors que notre vie est si brève.

C’est étrange.

Bruno Doucey lit à voix haute ce poème que nous sommes nombreux à aimer :
Vous pouvez l’écouter en cliquant sur ce lien 


HAÏTI, 2010

Je pars pour un voyage que nous ne ferons pas

Dans l’entrée ma valise humait le vent du large
En elle bien rangés linge, cadeaux et livres
Écoutaient sagement les pulsations du cœur
Qui partait vous rejoindre
Et vous nous attendiez
Comme la nappe sans un pli attend la fête
Où tinteront les verres de nos aînés rieurs

Mais la terre a tremblé
La terre s’est ouverte, des cisailles d’acier
Ont libéré le tigre qui dormait sous la roche
Son grognement de fauve a réveillé vos peurs
En soixante secondes le temps s’est effondré

Dans le fracas de l’ombre
Sa ruée de malheurs
Vos maisons dévastées

En soixante secondes
Sa huée de douleurs
Vos proches démembrés

La terre qui vous mange comme on mange la terre

Sous nos yeux sidérés des femmes et des enfants
Implorent le secours
Anéanti
On meurt à Port-au-Prince et l’on pleure à Paris

Port-au-Prince, treize janvier de l’an de casse
Deux mille dix
Pétionville, Cité-Soleil, Champ-de-Mars où les tap-taps sont détruits
Delmas, nuit d’effroi, dans l’entre chien et loup
Des morts et de la vie
Quand les ondes s’emparent de la transe vaudou

Votre île sous le vent promise à la déroute

Dans la baie de Jacmel où lézarde la route
D’une amitié conquise sur les terres arables
La maison du poète dévale à grand fracas
La pente du désastre

Et je suis là, valise en main
De l’autre côté de la mer, dans l’incendie des dépêches
Parti pour un voyage que je ne ferai pas

Sous la toile, d’autres que moi fouillent déjà
Les décombres de l’info
Émmelie, où êtes-vous, Gary et Marinio ?

Longues heures d’angoisse
Tellurique
Des gravats du silence nous retirons des noms
– Lolo, James et Dany, Kettly, Lyonel et Frank –
Comme des nourrissons soudain sauvés des eaux
Quand tant d’autres se noient aux portes de la terre

Mais nous sommes si loin

Dans le Bas-Peu de Choses de l’entraide
Par les rues dévastées de la compassion
Désarmés, incertains
Inaptes à soulager vos peines
Nous supplions les dieux de vous garder en vie

Nous implorons le vautour du malheur
D’interrompre son vol de colline en colline

Notre mère, bogue terrestre, viens reprendre l’enfant
Jeté sans retenue sur le parvis du monde
Concède-lui le temps de la douceur humaine
Le temps de l’eau, du pain et des fruits pour chacun

Mère terrestre, toi qui connais la lente érosion des jours par la nuit
Ne nous bouscule pas

Laisse nous rêver des séismes de la tendresse
Et fais monter le chant de mansuétude
Au plus haut de l’échelle trémière

Pour que naisse l’espoir de ton ventre meurtri.

Bruno Doucey

.
Le poète est grave et appliqué, impliqué aussi. Il lit. La ville tute tute au dehors. C’est le mois de mars.

Le printemps est aux poètes.

Inutile de vous conseiller de voler sur le stand des éditions Bruno Doucey place Saint-Sulpice, dans le sixième arrondissement de Paris  fin mai où se tiendra le 29ème Marché de la poésie (dédicaces stand 514, avec Christian Poslaniec et Bruno Doucey le 29 mai de 14h30 à 15h30).

Inutile de vous conseiller de vous précipiter dans une librairie le 27 mai pour découvrir les deux nouveaux recueils de  la maison : Dans l’écorchure des nuits de Jack Küpfer et : Ma mor est morte de Paul de Brancion.

Et puis si par hasard vous avez l’occasion de feuilleter, ou d’acquérir, le livre d’art Sur un chemin kanak, Éditions La Margeride, où sept poèmes de l’écrivain vont main dans la main  avec des gravures de Robert Lobet , inutile de vous le dire : vous avez beaucoup de chance !

Réjane

 

Jean-Jacques avant Rousseau

Jean-Jacques Rousseau : un impétueux désir de liberté de Claude Mazauric est un des derniers ouvrages de la collection  » à 20 ans  » : l’aventure de leur jeunesse, paru en avril 2011 aux éditions Au Diable Vauvert. Le principe de la collection ?  » Pour qu’ils deviennent des classiques, il fallait d’abord qu’ils soient des originaux « .

Le parti pris de cette collection annoncée, c’est donc à une bibliographie partielle de Jean-Jacques – entre 18 et 20 ans – que nous convie l’auteur avant que Jean-Jacques ne se chausse de son patronyme célèbre, celui de Rousseau.

Le pari est réussi : à la fin de ce court opuscule de 140 pages, vous le refermez avec une envie de lire ou relire l’oeuvre du citoyen de Genève. Je dois vous dire que j’étais curieux de cette collection dont j’avais déjà repéré plusieurs titres et ce Rousseau ne m’a pas déçu. J’avais en mémoire le Rousseau mélancolique, hypocondriaque, légèrement ou carrément dépressif. Claude Mazauric a le talent de nous montrer les errances héroïques de ce jeune homme perdu dans le monde (mère morte quand il était très jeune et père parti ailleurs, loin de lui) mais déjà très conscient de ses potentialités, et qui finalement, par séduction mais aussi beaucoup de travail personnel se fraie un chemin vers son nom dans une société rude pour qui n’est pas noble. Que retient-on habituellement de Rousseau ? Inspirateur de la Révolution mais aussi musicien et compositeur, opposé en son temps à Rameau. Plus que ces aspects très connus, on découvre les apprentissages progressifs du jeune homme, déterminé à défendre sa liberté et qui écrira plus tard :

Voilà pourquoi j’ai toujours tant redouté les bienfaits,
car tout bienfait exige reconnaissance ; et je me sens
le coeur ingrat par cela seul que la reconnaissance est
un devoir. En un mot, l’espèce de bonheur
qu’il me faut n’est pas tant de faire ce que je veux
que de ne pas faire ce que je ne veux pas.
Lettres à Monsieur de Malesherbes, 1762

Voilà, qui dénote d’un certain caractère libertaire. Cet ouvrage se lit facilement. Ici, il n’est pas question d’analyser les oeuvres futures – littéraires ou philosophiques même si l’auteur distille habilement quelques informations autour des moments forts de l’apprentissage de la vie de Jean-Jacques.

Ce livre est commenté dans le cadre de l’opération Masse critique du site Babelio, réseau social littéraire. Je remercie Babelio et les éditions Au Diable Vauvert pour l’envoi gracieux de ce livre. D’autres lectures sont disponibles sur Babelio.

Silence

« Tout comme l’immortalité de l’âme, l’amitié est trop belle pour y croire. » Emerson

 » Nous avons en nous bien plus de tendresse qu’on ne le dit. En dépit de tout l’égoïsme qui, tels les vents de l’Est, transit le monde, la famille humaine est tout entière baignée d’un élément d’amour semblable à un éther délicat. Nombreux sont ceux à qui nous disons à peine un mot quand nous les croisons en société, que pourtant nous honorons et qui nous honorent ! Nombreux, ceux que nous voyons dans la rue ou qui sont assis à côté de nous à l’église, et dont la présence nous réjouit ardemment quoique nous gardions le silence ! Lisez le langage de ces regards vagabonds ; le coeur, lui, le connaît. « 

L’amitié est une des douceurs de la vie, une cure de rajeunissement, un battement de coeur… proche de la relation amoureuse sans en avoir les inconvénients, peut-être… 😉 L’ami apporte la nouveauté parmi les ressassements de l’être solitaire. Il s’agit d’être sensible, ouvert à l’autre pour que cette relation particulière naisse.

 » La systole et la diastole du coeur ne sont toutefois pas sans analogie avec le flux et le reflux de l’amour. « 

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Ralph Waldo Emerson est un ami transi. Peur d’être éconduit comme l’amant laissant s’engourdir sa relation avec sa partenaire. Tout comme l’amour, l’amitié doit s’entretenir au risque de se flétrir. Les amis sont comme les feuilles des arbres et identiques à celles de l’automne, se retrouvent au sol. Du sol naît la solitude.

Pour Emerson, les hommes sont des arbres, seuls, élancés, élégants et seule l’amitié, pourra percer leurs écorces carapaces, le temps d’une félicité de courte durée. Sa vision de l’amitié est exigeante et austère, source de joies sincères mais aussi de terribles angoisses. Ralph Waldo Emerson était un poète et philosophe américain du 19ème siècle, un des animateurs du mouvement transcendantaliste.

 » Le mouvement transcendantaliste naquit en réaction contre le rationalisme du XVIIIe siècle et révéla la tendance humanitaire de la pensée du XIXe siècle. Il se fondait sur une croyance fondamentale en l’unité du monde et de Dieu. L’âme de chacun est identique à celle du monde. La doctrine de l’indépendance et de l’individualisme se développa sur la foi en l’unité de l’âme humaine avec Dieu. » selon un article de l’encyclopédie Agora consacré à Thoreau, un autre transcendantaliste américain, un des amis d’Emerson.

Vérité et tendresse sont les deux éléments constitutifs de l’amitié. Bref, sans eux, pas de santé de l’être, celle du corps mais aussi celle de l’esprit et pas de «  noble liberté « .

 » Un ami est un homme sain, qui ne sollicite pas mon intelligence, mais moi-même. » écrit-il. On songe à l’amitié entre Montaigne et La Boétie. Il cite d’ailleurs l’écrivain bordelais.

Emerson est un ami transi, disais-je. Pour ne pas déborder, pour ne pas gâcher une amitié naissante, il faut de la patience, il faut également acquérir une maîtrise de soi irréprochable. L’amitié semble être pour Emerson un horizon par définition indépassable, c’est-à-dire cette ligne imaginaire qui s’éloigne tout autant que l’on tente de s’approcher d’elle.

A tel point qu’il écrivait :

 » Tout comme l’immortalité de l’âme, l’amitié est trop belle pour y croire. « 

Les affres et la conception de l’amitié décrites dans ce court opuscule sont vraiment à découvrir comme un témoignage des esprits de ce siècle numéro 19 qui semble déjà si loin !

 

Silence

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Ceci est une lecture de :

L’ amitié / Ralph Waldo Emerson ; traduction de l’américain et postface par Thomas Constantinesco. – Paris : Aux forges de Vulcain, 2010. – . – 9782953025972

Je remercie les éditions Aux forges de Vulcain pour l’envoi gracieux de ce livre.  Il a été commenté dans le cadre des partenariats avec les éditeurs proposés par le blog : Blog-o-book. « Chaque dimanche à 15h Bob publie des appels à lecteurs, en partenariat avec des éditeurs. Des partenariat spéciaux ont parfois lieu en semaine. Toute personne ayant un blog consacré à la lecture et régulièrement tenu à jour peut participer.  La seule condition est de publier un billet sur votre blog dans le mois qui suit la réception du livre. Vous êtes totalement libre d’exprimer votre ressenti par rapport à votre lecture, votre billet pourra être positif ou négatif, vous restez indépendant. »

En Camargue, entre terre et mer…

« Au fin fond de la Camargue, la vie paisible entre terre et mer de Vincent, fils d’ouvrier agricole, et de ses camarades Pierre, le futur raseteur, Victor, le fils du boulanger, Albert, le fada, et Sarah dont tous se disputent les faveurs. Vincent, au terme de tractations secrètes, est recueilli par un couple de riches manadiers, gérants d’un élevage de taureaux, dont il va peu à peu devenir le légitime héritier. Il s’y éprend d’un taurillon cendré, futur cocardier hors pair. Un taureau totémique, matérialisant la face sombre de ce héros, en apparence irréprochable et paisible.
Fougueux et passionné, Vincent découvre les peines de cœur, l’exploration des mystères de l’existence, les amours passagers et les moments de joie partagée avec les siens. Il se heurte aux non-dits, aux silences lourds comme des simbéus, à la pudeur d’un peuple singulier. » Ah, les quatrièmes de couverture !  Si je lis cela en librairie, je n’achète pas… 😉

Dans ce livre, ce qui fait tout de suite plaisir, c’est l’absence du goût morbide de notre époque pour les serials killers qui se terrent à chaque coin de rue guettant leur proie, jeune et innocente ; pas de scène à la morgue ni vélo (comme dans E.T.) ou même à pied (suspense, adrénaline…) ; pas non plus de complots et de secrets à l’échelle internationale avec un héros « américain – forcément » qui doit sauver la planète.  Je vous avoue, j’ai essayé de regarder une ou deux séries télévisuelles de ce type, lire un ou deux ouvrages du même tonneau (même Millénium !) mais à chaque fois, l’ennui, le mortel ennui honni par Baudelaire, me fait fermer la télévision ou tomber le livre au sol…  Je ne suis pas de mon époque… 😉

J’aime quoi ? J’aime les promenades au bord des rivières, regarder un ciel et ses nuages, contempler sans rien attendre et vouloir coûte que coûte sauver l’humanité… bref, rien, de ce qui doit faire battre le coeur d’un être occidental vivant au XXIème siècle. Disons-le également, je ne suis guère un adepte des corridas et de la tauromachie. Et il y a aussi du sang et un mort dans cette histoire. Pourtant, cette histoire, ce court roman se lit d’une traite. Sans la prétention de vouloir révolutionner la littérature, Le cours du destin de Jacky Siméon (Au diable Vauvert, 2010) dénoue ses fils et ses personnages simplement. On se lie aux personnages. On se prend même à comprendre cette tradition taurine et le besoin de ces hommes, ancrés dans leur culture, à prouver leur courage en affrontant le toro. Sans tomber dans le genre roman de terroir, l’auteur rattache sa Carmargue aux grands mouvements du monde qui servent de fils temporels à l’histoire.

Vous conseille…

Silence

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Ceci est une lecture de :

Le cours du destin / Jacky Simeon. – Vauvert (30)  : Au diable Vauvert, 2010. – . – 978-2-84626-225-5

Je remercie les éditions Au diable Vauvert pour l’envoi gracieux de ce livre.  Il a été commenté dans le cadre des partenariats avec les éditeurs proposés par le blog : Blog-o-book. « Chaque dimanche à 15h Bob publie des appels à lecteurs, en partenariat avec des éditeurs. Des partenariat spéciaux ont parfois lieu en semaine. Toute personne ayant un blog consacré à la lecture et régulièrement tenu à jour peut participer.  La seule condition est de publier un billet sur votre blog dans le mois qui suit la réception du livre. Vous êtes totalement libre d’exprimer votre ressenti par rapport à votre lecture, votre billet pourra être positif ou négatif, vous restez indépendant. »

 

Fraîcheur est le mot qui vient à l’esprit en lisant Apprenti : mémoires d’avant-guerre de Bruno Loth (La Boite à bulles, 2010)

Fraîcheur est le mot qui vient à l’esprit dès que l’on a tourné la dernière planche de cette bande dessinée : Apprenti : mémoires d’avant-guerre de Bruno Loth (La Boite à bulles, 2010).

A partir des mémoires de son père, Bruno Loth raconte deux années de la vie de Jacques Loth entre 1935 et 1937. 1935, ce n’est pas encore le Front populaire. La condition d’ouvrier n’est guère reluisante. Le père de Jacques, c’est-à dire le grand-père de Bruno réussit à s’échapper de l’usine, plus précisément du chantier naval en achetant un véhicule pour devenir taxi, être son propre patron. Et rêve que son fils ne suive pas le même chemin. Mais, Jacques abandonne des études prometteuses pour devenir apprenti sur le chantier naval honni. Destin social ? Non, Jacques a choisi de devenir ouvrier. Dès lors, on suit son parcours, sa difficile acceptation au sein de ses collègues de travail. 1936 sonne. Léon Blum impose les 40 heures et les deux jours de congés hebdomadaires. On suit en filigranne la Grande Histoire sans que l’on ne tombe ni dans le pathos ni dans une vision idyllique de 36. Bruno Loth est un raconteur d’histoire intimiste. Il suit la psychologie de ses personnages et ne perd jamais la vérité qui guide leurs pas. Les collègues de Jacques ne sont pas de doux agneaux, emplis de désirs de fraternité et de révolution, mais des êtres réels pleins de lourdeurs et de bêtises. Fraîcheur est le mot qui vient à l’esprit en refermant cette bande dessinée, au discours jamais manichéen.

Quant au trait, au dessin et à la mise en scène, ils sont sobres, non racoleurs et finalement, très efficaces. La planche ci-dessus pourrait évoquer les dernières oeuvres de Tardi avec Blanqui comme fil conducteur. Mais on n’y pense qu’après. Le scénario de Bruno Loth coule sans avoir besoin de cette prestigieuse filiation. Espérons que cet histoire aura une suite. Qu’est devenu Jacques pendant et après la guerre ? Mais tout cela est une autre histoire.

Cet apprenti est le second travail de Bruno Loth qui, en 2006, a réalisé Ermo, dans sa propre maison d’édition « Libre d’images ». Ermo est l’histoire d’un jeune garçon de 12 ans, débrouillard, sans attache ni parents, qui va suivre des saltimbanques à travers leur tournée. L’histoire se déroule en 1936 autour de la guerre civile espagnole.

Saluons les éditions la boite à bulles qui ont su repérer ce nouveau talent qui enrichit cette maison qui publie déjà les travaux de Roosevelt (Derfal le magnifique notamment) et de Clement Baloup, jeune auteur marseillais.

Ce livre est commenté dans le cadre de l’opération Masse critique du site Babelio, réseau social littéraire. Je remercie Babelio et les éditions la Boite à bulles pour l’envoi gracieux de ce livre passionnant. 

Silence 

Ce livre n’est pas pour moi… à propos des neufs vies de Dewey par Vicky Myron

J’avais envie de le lire pourtant…

Sincèrement…

Dewey… forcément avec un titre comme cela… en tant que bibliothécaire… on a des yeux dans le dos… on le verrait même dans le noir… Dewey… pensez-donc, c’est notre gourou… je parle de Melvil, pas de celui qui donne le titre au livre… mais de l’inventeur du classement le plus universellement répandu dans les bibliothèques de la planète… classer pour un bibliothécaire, c’est maladif… on est né pour classer… notre vie est classement… bon… c’est pas vrai… on ne fait pas que cela… je connais d’ailleurs des bibliothécaires « bordéliques »… mais c’est une autre histoire… reprenons…

Dewey… l’histoire du célèbre chat recueilli par une bibliothécaire, Vicky Myron, et qui vivait dans une bibliothèque américaine et servait un peu de médiateur à quatre pattes… de boule de poil pour raccrocher ceux qui se perdaient dans la bibliothèque… pour ne pas dire dans la vie…

Les neufs vies de Dewey est le second tome des aventures de « Dewey Readmore Books », son vrai patronyme. Le premier livre fut un succès mondial et ma collègue normande Sophiebib en parle avec humour sur son blog.

J’avais envie de le lire pourtant…

et je vous assure, j’aime les chats… dans une autre vie… j’en avais même trois dont un siamois dressé qui me sautait sur l’épaule quand je le lui demandais…

J’ai commencé la lecture… et… très vite, n’ai plus supporté… suis désolé… ma conscience professionnelle… est apparue… allez allez force toi… tu es bibliothécaire… au moins, lis le pour le conseiller ou bien pour étudier le pourquoi du comment du succès de ce livre…

et puis, lire que la bibliothécaire était la maman du chat, par exemple… ou entendre tous les bienfaits psychologiques que ce quadrupède, charmant félin avait apporté autour de lui… m’ont étouffé… achevé… l’animal anthropocentrique… trop c’est trop…

J’ai reposé le livre… Je n’aurai pas dit du mal du livre… il y a beaucoup de livres que je commence et qui me tombe des mains… je ne me force pas quand je lis pour le plaisir… je suis prêt ou pas… bref… en temps normal, je n’aurai même pas parlé de ce livre mais ce livre est un partenariat de lecture avec le blog-o-book et je l’ai reçu gracieusement de la part de l’éditeur… que je remercie vivement…

Mais, ce livre n’est pas pour moi…

Je fais don de ce livre et il rejoindra les collections de la future bibliothèque de Tourrettes qui ouvrira début avril pour enrichir ses collections, certain que ce livre trouvera son public…

 

Silence

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Ceci est une non-lecture de :

Les neufs vies de Dewey / Vicky Myron avec la collaboration de Bret Witter. – Paris : Jean-Claude Gawsewitch, 2010. – . – 978-2-35013-241-ç.

 

Je remercie les éditions Jean-Claude Gawsewitch pour l’envoi gracieux de ce livre. (Maintenant, je suis grillé je ne pourrai plus recevoir de service de presse de cet éditeur !) Il a été commenté dans le cadre des partenariats avec les éditeurs proposés par le blog : Blog-o-book. « Chaque dimanche à 15h Bob publie des appels à lecteurs, en partenariat avec des éditeurs. Des partenariat spéciaux ont parfois lieu en semaine. Toute personne ayant un blog consacré à la lecture et régulièrement tenu à jour peut participer.  La seule condition est de publier un billet sur votre blog dans le mois qui suit la réception du livre. Vous êtes totalement libre d’exprimer votre ressenti par rapport à votre lecture, votre billet pourra être positif ou négatif, vous restez indépendant. »


Sincérité de celui qui regarde le feu: une lecture de « Proust, le chat et moi » de Jean Cau (La petite vermillon, 2009)

Sincérité…

« Un enfant avait donc deux vies. Celle qui le collait à la terre, celle qui l’en arrachait. Il était désadapté. Une fêlure, en lui. Comment la réparer pour que le vase tienne ? En la bouchant avec des mots.« 

L’enfant veut écrire. Ou du moins, en a l’intuition.

« Au départ, une curiosité vers d’autres vies, d’autres lieux, d’autres êtres et elle est châtiée par le fouet du réel. »

L’enfant est de milieu modeste. La littérature est une planète extra-terrestre pour ses parents. L’enfant rêve et découvre les mots dans les livres. Les parents ne sont pas contre le désir d’apprendre de l’enfant. Mais pour l’enfant, son envie d’écrire restera toujours un vice, une chose non avouable à ses parents qui eux, ont eu, eux, un vrai et laborieux travail.

« Il m’est arrivé de comparer la littérature à la tauromachie, elle-même comparée au « Cante hondo » (au Chant profond) du flamenco. Dans ces deux derniers arts, il existe un mot, intraduisible en français : le « duende ». Et qu’est-ce que c’est, en espagnol, le « duende » ? Nul ne le sait et nul ne peut le définir. Un matador torée et tout ce qu’il réalise est parfait, merveilleusement en règle avec les canons de l’école. Il écrit le toro et la langue est pure, la grammaire infiniment respectée, le vocabulaire divers, la phrase souveraine. […] Brusquement, un miracle s’est produit, l’homme paraît avoir envoûté le toro auquel il donne des passes de rêve. […] voici le duende. Il l’a. Il le possède et en est possédé. Il torée intérieur. Hors du monde. Il torée pour soi. Il n’y a plus de public, plus d’arène, plus de désir de trophées. Rien qu’une ivresse que l’homme et le fauve partagent et dont nous ne sommes que les voyeurs. »

La Grâce, tel serait le terme qui effleurerait le plus le sens de duende. Tel serait pour Jean Cau, l’art de l’écrivain : d’abord, écrire pour soi, avec sincérité, loin des contraintes du milieu et de ses mirages glorieux, pour trouver sa voix et le ton approprié.

« Autrefois, dans les villages, on plantait l’ancêtre, comme une momie, devant le feu, juste au bord de la plaque noire. Il se taisait. Il regardait le bois brûler et se transformer en cette cendre qu’il serait à son tour, demain, et le feu lui racontait sa vie, avec ses étincelles, ses giclées de sève hors des bûches trop vertes, ses crépitements, ses écroulements, ses fumées – et puis ses cendres. »

Dans un premier texte troublant et sensible : L’enfance de l’art, l’auteur revient ainsi sur son enfance, sa vie, sa peur de la mort et son désir d’écrire.  Le second texte qui donne le titre au volume : « Proust, le chat et moi » est une déploration très négative sur la fin du roman avec l’annonce de  la fin de la civilisation occidentale. Rien que cela !

Retiré à la campagne, désabusé par son époque et la littérature de son temps (l’ouvrage est paru la première fois en 1984), l’auteur a un chat qui ressemble tellement à Marcel Proust qu’il l’a nommé… Marcel Proust ! Et ne cesse de l’interroger dès le matin : « Proust, que dois-je écrire ? Après toi, Marcel, que peut-on écrire ?« 

La principale obsession de l’auteur est donnée dès le début  : « les temps sont venus où l’art ne triomphera plus de la mort« . L’auteur déplore la fin du roman dont La Recherche lui semble être le sommet, puis la fin de la civilisation occidentale. Le ton de l’ouvrage est caustique voire carrément « ronchon », parfois très actuel en créant des correspondances, presque trente ans après son écriture :

« Dès que j’entends le mot espoir, je soupçonne la sottise. Comment, de gorges qui se serrent et d’où ne devrait jaillir que le hurlement, peuvent donc sortir les roucoulements tièdes de l’espoir ?« 

« Il n’empêche, Proust, que les romanciers, impavides, continuent de tricoter leurs histoires où un homme de cinquante ans se demande s’il peut encore copuler, où une femme sur le retour tombe amoureuse d’un adolescent qui est le meilleur ami de son fils, où une fille de seize ans brûle de coucher avec son papa, où un voyou déclare que la prison n’est pas le Ritz et que ça n’est pas juste… Ils continuent d’écrire pareilles histoires (on pourrait en aligner des centaines sur des milliers de pages), relayés par les Intellectuels qui sodomisent des mouches à coups d’essais illisibles et elle est, finalement, adorable cette inconscience, cette volonté de tricoter des mots et d’essayer de voler à la masse et à la statistique (exemple : vingt-six pour cent des pères désirent leur fille, cinquante et un pour cent ne la désirent pas, treize pour cent ne savent pas) une histoire « faite à la main ».« 

Mais trop de relents nauséabonds et désagréables rendent finalement la lecture insupportable comme « Dans le même temps en Asies, Afriques, Arabies, naissent des millions de petites choses jaunes, noires ou basanées... », nous rappelant que l’auteur a écrit dans la revue Elements dite par euphémisme de La nouvelle droite !

Silence

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Ceci est une lecture de :

Proust, le chat et moi précédé de L’enfance de l’art / Jean Cau. – Paris : La table Ronde, 2009. – (Collection de poche La Petite Vermillon ; 317). – 978-2-7103-3109-4. (Première parution en 1984)

 

Je remercie La Table Ronde pour l’envoi gracieux de ce livre. Il a été commenté dans le cadre des partenariats avec les éditeurs proposés par le blog : Blog-o-book. « Chaque dimanche à 15h Bob publie des appels à lecteurs, en partenariat avec des éditeurs. Des partenariat spéciaux ont parfois lieu en semaine. Toute personne ayant un blog consacré à la lecture et régulièrement tenu à jour peut participer.  La seule condition est de publier un billet sur votre blog dans le mois qui suit la réception du livre. Vous êtes totalement libre d’exprimer votre ressenti par rapport à votre lecture, votre billet pourra être positif ou négatif, vous restez indépendant. »

Silence