Archives mensuelles : août 2008

« Oublier son identité culturelle est une ouverture au monde » – Henri-Pierre Jeudy

« Le désir d’oublier « son » identité culturelle est une ouverture au monde« . C’est ce qu’écrit Henri-Pierre Jeudy, sociologue au CNRS au sein de son Laboratoire d’anthropologie des institutions et des organisations sociales dans la page rebonds de Libération vendredi 15 août 2008.

« A force de considérer que chaque communauté a un droit de reconnaissance de sa « propre » culture, l’identité culturelle devient une pancarte qui circonscrit le territoire de l’autre pour empêcher le risque de contamination des cultures. »

« Du coup, l’antropophagie culturelle est frappée d’anachronisme. Elle correspond à une époque oubliée où la curiosité pour l’autre pouvait être à l’origine du dialogue entre les cultures. »

La curiosité pour l’autre ?

Le communautarisme versus l’universalisme ?

Pour lire cet article intéressant, cliquez ici.

Silence

Dialogue entre 2 co-blogueurs : l’écriture est-elle une activité de puissance, de pouvoir ?

Ce matin, je recevais de ma co-blogueuse (conteuse de son état) la question suivante :

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L’écriture est-elle une activité de puissance, de pouvoir ?

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Elle poursuivait :

 » Que sont les écrivains, sinon des êtres qui, ne parvenant pas à exprimer leur vigueur de vivre dans les activités humaines autres que l’écriture, parviennent, par la puissance du verbe, à faire éclater une force de bucheron, de maçon, une puissance d’Hercule?

Pourquoi, lorsque j’ai réussi à produire un écrit lisible, une chose, aussi petite soit-elle, qui est parvenue à son but : faire mouche, je me sens pleine et satisfaite ?

N’est-ce pas parce qu’enfin, extraite de mon insignifiance, je me sens soudain – mais est-ce ridicule ? – importante, aux yeux de mes semblables ? « 

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Alors je me suis souvenu d’un hors-série du quotidien Libération, paru en mars 1985, qui avaient posé la question à 400 écrivains : Pourquoi écrivez-vous ?

Je me souvenais de certaines réponses qui allaient du je ne sais pas (Peter Handke) à des réponses très détaillées, souvent admirables ou prophétiques (celle de Marguerite Duras  prédisant que l’activité d’écrivain cesserait en 2027). Mais de ces 400 réponses, j’en ai toujours gardé une en mémoire, différente, celle de J.M.G. Le Clézio :

« Je vais vous dire, je vais tout vous expliquer. Donc, j’avais dix-douze ans, j’habitais cette maison sur le port, un peu napolitaine, complètement décrépie avec des draps qui séchaient à toutes les fenêtres de la cour, les chats à demi-sauvages qui se battaient sur les terrasses, et bien sûr les escadrilles de pigeons. En ce temps là je ne savais pas ce que c’était qu’un écrivain, je n’en avais pas la moindre idée, je ne me doutais pas qu’il y avait un écrivain nommé Jean Lorrain qui avait habité dans la même maison, autrefois. Je me souviens de cette maison surtout à la belle saison, en été et au commencement du printemps, parce qu’on laissait les fenêtres ouvertes et qu’on entendait le bruit des martinets et les roucoulements des pigeons. Mais il y avait un bruit spécialement qui me faisait quelque chose. Je ne peux pas vraiment dire pourquoi ça m’inquiétait, mais aujourd’hui encore quand j’y pense ça me fait frissonner et ça me met dans cet état de sorte de mélancolie et d’impatience qui précède le moment où je sais que je vais devoir m’asseoir n’importe où, là où je suis, prendre un cahier et un crayon à bille et commencer à écrire. Ce bruit, c’était les voix des jeunes gens qui s’appelaient dans la cour, qui criaient leurs noms. Il y avait des garçons qui venaient siffler, et d’autres mettaient la tête à la fenêtre, et ils disaient :  » Tu cales ?  » Et ceux d’en haut :  » Où vous allez ?  » Ils allaient je ne sais plus où, à la plage, ou à la foire, ou simplement au coin de la rue pour discuter, ou attendre les filles qui sortaient de l’école Ségurane, ça n’a plus aucune importance. Mais quand j’entendais ces sifflements, et les noms qui résonnaient dans la cour, j’imaginais une autre vie que la mienne, j’imaginais les bains dans l’eau de mer froide, le soleil, l’odeur des cheveux des filles, la musique des dancings, l’aventure, la nuit. Jamais je n’ai entendu siffler mon nom dans la cour, jamais je n’ai entendu siffler pour moi. J’étais dans la même maison, mais c’était un autre monde. Voilà, c’est pour cela que j’écris.

J.M.G Le Clézio« 

Réjane 13 août 2008 Silence

Message au journal Libération : vous seriez très inspiré de rééditer ce hors-série et peut-être de reposer la question à 400 nouveaux écrivains ?

Goethe pensait…

 » Goethe pensait :

Quand on ne parle pas des choses avec une partialité pleine d’amour, ce qu’on dit ne vaut pas la peine d’être rapporté

C’est peut-être aller loin. La critique négative est nécessaire ; il n’y a pas dans la mémoire des hommes assez de socles pour toutes les effigies : il faut donc parfois briser et jeter à la fonte quelques bronzes injustes et trop insolents. Mais c’est là une besogne crépusculaire ; on ne doit pas convier la foule aux exécutions. Quand nous l’appellerons, ce sera pour qu’elle participe à une fête de gloire.  »

[Remy de Gourmont : préface à son IIème livre des masques. – Mercure de France, 1917]

Vaincre ? Les Pôles ? Ils les ont vaincu ? Et maintenant…

Se retirer dans un monastère et faire vœu de silence ? Ascétisme ?

Gravir des montagnes pour atteindre les cimes ? Ascétisme ?

Conquérir les pôles ? Ascétisme ? Vivre dangereusement… pour se sentir vivre ? Obsessions ?  Variations sur le mythe d’Icare ? Dépassement de notre humaine condition ?

Pourquoi les hommes qui s’adonnent à ces extrêmes nous fascinent-ils ?

Déjà en 1905, Jean-Baptiste Charcot dans son livre « Le Français au pôle Sud posait la question :

« D’où vient l’étrange attirance de ces régions polaires, si puissante, si tenace qu’après en être revenu on oublie les fatigues morales et physiques pour ne songer qu’à retourner vers elles ? D’où vient le charme inouï de ces contrées pourtant désertes et terrifiantes ?« 

Préliminaire à la présentation de Chantal Edel, cette citation introduit deux récits de voyages adaptés par Charles Rabot et publiés en 1913 et 1914 dans le magazine Le Tour du Monde : récits de l’exploration du pôle sud par Roald Amundsen et Robert Falcon Scott réunis sous le titre :

Ils ont vaincu le pôle – Presses de la Renaissance, 2008

Qui a réussi et qui est mort, après avoir réussi à atteindre ce pôle onirique ? Aucune importance…

C’est le chemin qui est important et les mécanismes en marche dans la tête de ces hommes : « bourlingueurs du froid partant au nom du progrès sans souci du retour« .  Ce qui nous fascine ? L’homme mis à nu :  » pas de triche possible dans cette existence confinée qui met à nu les caractères« 

Mais la lecture de ces deux récits rédigés à une époque où le monde allait changer de manière irréversible pourrait être aussi le prélude à une prise de conscience des dangers qui menacent ces étendues désolées qu’elles soient aux pôle nord ou sud.  Après l’ère des records en tout genre, il est venu le temps de connaitre  réellement pour mieux protéger et tout simplement continuer à vivre… ensemble si possible.

Compléter ensuite la découverte des ces territoires et des hommes qui y vivent par les livres de Jean Malaurie serait une suite logique, comme ce Terre Mère qu’il a publié récemment et dont je vous ai déjà parlé dans un précédent billet :  » Pourquoi notre monde n’écoute jamais ses sages ?« 

Je ne peux m’empêcher de citer ce passage :

« Connaissance de l’autre et non voyeurisme. La compréhension ne peut naitre que de joies et de douleurs communes. La culture n’est en effet que le reflet de la vie… Encore faut-il la vivre. Saisir une civilisation en termes de destin est à ce prix. Il est urgent de réveiller le nomade que chacun porte en soi. C’est le devoir de l’historien, de l’ethnologue, du philosophe, d’en finir avec le temps des colloques, de sortir de ses musées et de ses bibliothèques pour aider l’homme à se découvrir un autre lui-même dans ces « vrais » voyages que sous-tend son imaginaire. » (Jean Malaurie, 1990)

Silence

Voir aussi un site consacré aux explorateurs.

Et cet article sur l’Année Polaire Internationale.

Cette critique est publiée dans le cadre de l’opération Masse critique du site Babelio.