Archives mensuelles : mars 2008
Pourquoi notre monde n’écoute jamais ses sages ? A propos de Terre Mère de Jean Malaurie…
Pourquoi notre monde n’écoute jamais ses sages ?
Le monde est. Le monde est et les hommes haïssent le monde. La Vie est et les hommes haïssent la vie. Pas tous les hommes.
Existe la gravitation. La loi qui la définit a été découverte par les hommes. Par un homme qui a compris la cause qui a permis à la pomme de tomber.
Le Livre parle d’une pomme originale qui provient de l’arbre de la connaissance. Là est le problème de l’homme : la connaissance. Et son utilisation ensuite…
Ce ne sont que des histoires de pommes, alors ? Presque.
L’homme s’est placé sous le pommier et a cru qu’il était au centre du monde. Il continue à croire qu’il est sur le trône.
Le monde est et l’homme passe.
Pourquoi notre monde n’écoute jamais ses sages ?
Dans un très court livre, Jean Malaurie, l’immense aventurier, explorateur, contemplatif et éditeur Jean Malaurie, évoque de nouveau tout ce qui menace notre monde.
» Nous sommes des veilleurs de nuit face à une mondialisation sauvage, à un développement désordonné. Si nous n’y prenons garde, ce sera un développement dévastateur. La Terre souffre. Notre Terre Mère ne souffre que trop. Elle se vengera. Et déjà les signes sont annoncés. «
L’homme hait et le monde passe. Il ne regarde que ce qui se trouve devant lui. Le présent est la seule chose qui existe dans le monde.
Passé et futur ne sont que dans le cerveau des hommes. Et ne leur servent que rarement.
Dans Acide-Arc-en-ciel d’ Erri de Luca, il y a cette phrase :
« Qu’est-il arrivé au monde pour se retrouver à un point tel qu’aucun acte direct ne l’aide, mais que seuls les sacrifices le réconfortent ? »
On n’écoute pas des hommes comme Jean Malaurie, mais on est ému devant l’assassinat de Diane Fossey pendant le temps que dure le succès éditorial d’un livre ou le passage en salle d’un film. Cela nous réconforte de rencontrer une Diane Fossey… Et puis, le temps passe… et les gorilles vont disparaitre…
Il faudrait écouter nos sages. Il faudrait écouter Jean Malaurie et Diane Fossey.
Silence
My Masse critique 1 : Journée lunaire d’Emmanuel Olivier aux éditions L’Altiplano
“Merci à ceux qui m’ont supporté“. Telle est la phrase en exergue au premier livre de bande dessinée d’Emmanuel Olivier : Journée lunaire publié par les récentes éditions L’Altiplano. Tel pourrait être aussi le dilemme de Thomas, le personnage dépressif de cette bande dessinée placée sous les auspices de l’astre sélène , qui ne supporte plus sa vie, les autres, la société…
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On a tous connu une journée comme celle vécut par Thomas, le héros perdu de cette histoire. Journée sans lumière, journée sans âme. Journée noire et blanche comme le trait et les dessins de l’auteur. Ambiances sombres et quotidien désolant où l’on n’a plus envie de rien. Parfois, au détour du vol, de deux mouches, les pensées de l’auteur semblent se mélanger avec les propos du personnage. Thomas ne sait plus où il en est, proche de la folie, est persuadé que ses cauchemars se réalisent dans la vraie vie. Thomas vivra une journée explosive, libératrice pour atteindre la catharsis qui le libèrera de son quotidien, pour transformer ses cauchemars en rêve, retrouver une certaine sérénité, un autre rythme.
Graphiquement, sur ce premier travail publié, la force de l’histoire permet de faire passer les proportions parfois approximatives des personnages. On privilégiera les cadrages et cette utilisation judicieuse du noir et blanc pour les mises en situation grâce à une multiplication de traits incisifs pour créer du dynamisme.
D’après sa notice bibliographique, Emmanuel Olivier est né en 1983. “Après quelques tâtonnements, il s’est lancé pleinement dans la bande dessinée lors de ses études aux Beaux-Arts d’Épinal. Actuellement en quête d’un emploi, mais guère convaincu par la démarche, aussi commune soit-elle, il se demande, lui aussi, s’il a encore le droit de croire en ses rêves.”
Un jeune auteur à encourager…
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Cette critique est publiée dans le cadre de l’opération Masse critique du site Babelio.
Silence.
C’est le printemps !
Pour le fêter, 5 poèmes de Jean-Pierre Siméon,
Un homme sans manteau / Jean-Pierre Siméon. – éditions Cheyne, 1996.
Mon pays des fleuves cachés…
« Mon pays des fleuves cachés » est mon pays. Celui de l’enfance. Celui de mon grand-père Laurent décédé il y a un an.
J’ai rejoint chaque été, et la rejoins encore, cette région secrète, inconnue des touristes, où le grand-père est né, où il a grandi.
« Mon pays des fleuves cachés » est aussi le pays d’enfance du poète Jean Tardieu (1903, 1995), de même que le titre du poème qu’il consacre à ce phénomène.
Le Rhône ne disparait plus aujourd’hui « en enfer ». Mais il a une petite soeur, une rivière de montagne, la Valserine, qu’on perd à un endroit dit : « Les pertes de la Valserine ».
Je vais régulièrement visiter ce lieu lunaire où l’eau court dans le secret de la terre.
A l’instar du poète, je vois dans cette fantaisie de la nature un aspect phare de notre accroche au monde.
« Simandre-sur Suran ! Lalleyriat ! » criait l’employé du train entre Nantua et Bellegarde. Et du fer de son marteau, il frappait sur les roues, dans l’air odorant et glacé.
D’autres noms de mon pays me reviennent, avec leur sonorité acide, qui rafraichit la mémoire…
Maintenant que son libre galop et ce front courroucé se sont brisés contre un mur de ciment et que son sang jusqu’à Genève dégagé s’est répandu au hasard dans la plaine, sa sœur, la Valserine, Perséphone fidèle, continue à descendre aux enfers pour renaitre écumante.
Toute ma vie est marquée par l’image de ces fleuves cachés ou perdus au pied des montagnes. Comme eux, l’aspect des choses, pour moi, plonge et se joue entre la présence et l’absence.
Tout ce que je touche a sa moitié de pierre et sa moitié d’écume. »
Etty a choisi d’aimer…
J’ai lu le journal d’ Etty Hillesum, une vie bouleversée (Seuil, 1985), il y a un an.
Ce journal, écrit par une jeune femme juive à Amsterdam, retrace deux années intenses de sa vie.
Quand elle commence à l’écrire, en 1941, Etty a vingt sept ans.
En Septembre 1943, elle quitte avec ses parents le camp de transit de Westerbork pour Auschwitz. Elle meurt là bas en Novembre 1943.
On ne sait pas si elle a écrit à Auschwitz. On ne possède rien sur son internement dans ce camp.
En revanche, le document que l’on possède, paru aux Pays Bas en 1981, est le témoignage sensible et moral d’une femme qui sait que l’humanité a commis l’irréparable.
Au fur et à mesure que l’on parcourt les pages serrées du journal d’Etty Hillesum, on comprend. Etty a choisi d’aimer, d’être heureuse, de vivre. On comprend : Etty, dans ses allers retours entre la vie de l’écriture et l’écriture de la vie, réussit. Elle devient invincible.
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L’Odyssée de Guy et Alain…
Cette année, marionnettistes dans « Issé« , un opéra baroque qui sera donné en Mai prochain au théâtre de Bourg en Bresse (Ain), Alain et Guy étaient l’an dernier récitants dans « Dis-moi pourquoi dans le secret tu soupires et tu pleures » version 2, une polyphonie théâtrale, musicale, et visuelle d’après l’Odyssée d’Ulysse et des paroles d’habitants (conception et mise en scène Géraldine Bénichou).
Nous vivons tous une Odyssée. L’exil, l’incompréhension, la séparation, l’isolement, le mépris, l’abandon, qui d’entre nous n’est pas un héros de l’existence?
L’Odyssée d’Alain est le résumé de sa vie depuis sa rencontre avec Guy.
L’Odyssée de Guy est la synthèse de son existence depuis qu’il a abordé Alain.
Le texte qu’ils ont écrit à l’occasion de cette aventure théâtrale, et qu’ils donnent sur les planches en cette fin de mois de Mars 2007, est un dialogue, le seul duo du spectacle.
D’autres participants viendront se raconter au public. Comme Guy et Alain, ils s’avanceront au bord de la scène. Ils tiendront leur texte à la main. Majestueux. Seuls dans leur peine.
Guy et Alain sont ensemble.Ils se sont avancés au bord de la scène. Ils ont leur texte à la main.
Alain, c’est lui qui commence.
Quand ils ont dit leur Odyssée, il n’est personne du public qui n’ait pas pleuré.
Le regard
Tout ce qui a été dit, écrit, pensé, chanté, peint… ne dépend que d’une chose : le regard.
On pense : Que faire de nouveau qui n’a pas déjà été dit ?
Tout
Tout est toujours à refaire, redire, reformuler… Inventer de nouvelles images ou de nouvelles musiques…
Tout, dépend du regard,
de l’oeil,
de l’angle de vue…
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Silence
« L’idée qu’on se fait des choses… » (Charles Juliet)
« 2 février 1982
L’idée qu’on se fait des choses nous empêche de les voir.
L’idée obture l’oeil.«
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(Accueils : journal IV, 1982-1988 /Charles Juliet. – POL, 1994)
La douceur – Le bonheur – La jubilation
La douceur
La douceur est la qualité la moins partagée au monde. Elle est perçue comme une fragilité, pire une faiblesse. Elle serait une arme si justement elle n’était pas l’anti-arme par excellence. Isole celui qui la possède. Qui n’a plus d’autre choix que l’impasse de la carapace. Des années, il faut, pour s’en débarrasser, de la carapace. Et retrouver le chemin… La totalité lutte contre votre douceur. Celle-ci n’est qu’ individuelle, unique et ne rencontre que rarement une autre douceur, différente. Un frisson dans l’échine est sa marque de reconnaissance. La contemplation, son mode de compréhension. La contemplation est ce moment d’ouverture au monde. Une fêlure volontaire. Un début de tolérance, mais, ce mot est trop grand pour nous, humains, qui mourrons souvent de soif près de la fontaine.
Le bonheur
Le bonheur, celui-là, on dirait qu’il a une bonne tête d’images d’Epinal. Il est par essence multiple et indéfinissable. Courant dans le fleuve. Dissimulé et tombant dans la mer dès que l’on veut le canaliser.
La jubilation
Un trop-plein permanent. Un épuisement de la vie par consentement personnel. Un dru désir. Un acte. Un choix.
Silence
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« La douceur est invincible » (Marc-Aurèle)
Lire : Petit éloge de la douceur / Stéphane Audeguy. – Gallimard, 2007. – (Folio, 4618)
La moitié de tout ce qui dans le monde est vraie beauté… (Le Clézio)
« La moitié de tout ce qui dans le monde est vraie beauté, vertu ou romance a été mise au cœur des gens simples, cachée dans les corps ordinaires.«
(Jean Marie Gustave Le Clezio – Cœur brûle)
Nous avons horreur de la liberté…
Il n’y avait pas de pureté…
Sègre regardait la feuille de l’arbre, tombée à ses pieds. Brune, comme l’automne. Sègre observait les nervures mortes de l’envolée perdue dans le monde. Combien, étaient-elles ainsi, partie sur les flux et reflux du vent ? Pareilles aux idées, ces mortes balançaient autour de la terre, attendant leur hôte, espérant cette hospitalité. Il n’y avait pas de pureté. Sègre pensait : nous avons besoin d’une gangue, d’impuretés pour résister, pour renaître à nouveau quand le conforme se plaît à nous faire perdre la tête et le sens de nos sens.
Il n’y avait pas eu de quête. Sègre avait pris conscience insensiblement des interactions qui existaient entre lui et le monde, entre lui et les autres, puis les choses, puis les actes et les idées. Toutefois sans trop savoir pour ces dernières, ce qu’il fallait considérer comme le plus important. Tant d’idées dans ce monde et encore plus d’actes, d’actes manqués aussi. Petit à petit cependant, doucement, le chemin de Sègre s’était tracé dans cette jungle inorganisée, ce chaos incontrôlé. Mais, il n’y avait pas eu de quête, il n’y avait pas eu forcément un but au chemin. Le chemin était le but. Il était trop tôt, trop de personnes devaient encore emprunter ce sentier escarpé, et les obstacles continuaient de s’accumuler. S’il y avait progrès, combien de retours en arrière ? Il aimait songer à l’idée de l’estuaire d’un fleuve. Le fleuve se jette à la mer. Toutefois, avant de mélanger l’eau douce à l’eau salée, que de tourbillons. Il rêvait d’introduire un produit fluorescent pour visualiser ces différents courants. Et prendre une photo aérienne. Il lui semblait que c’était exactement cela l’image des idées des hommes. Un fleuve se perdant dans un infini plus grand que lui. Les idées y gagnaient le sel. Une épice de plus. Une saveur.
Silence
Moment méditerranéen
A l’ombre d’un pin mirifique
L’air est infusé…
De senteurs de thyms, de romarins
L’écureuil agile plonge
Tombent…
des pommes de pin.
Silence